2022-A-Mt 1, 1-17-samedi de la 3e semaine de l'AVENT-voir du beau dans les ténèbres
Année A – samedi 3e semaine AVENT (Litaa03s.22)
Mt 1, 1-17- voir du beau dans les ténèbres.
Laissons-nous instruire par ce passage austère. Jésus n’a pas fait semblant d’être humain. Il est né et cela est historiquement vérifiable, dans une famille, un pays, un contexte socioculturel. L’endroit est moins certain par ailleurs. Nazareth ? Bethleem ? La généalogie de Matthieu le fait naître dans un contexte de désordre, de ruptures conjugales, d’une longue lignée d’imparfaits.
Alors que les généalogies sont des affaires de males, Matthieu signale une incongruité face au standard du genre en nommant le nom de quatre femmes, Rahab, Bethsabée, Tamar, Ruth, chacune portant une réputation sulfureuse, en situation d’irrégularité sexuelle face à la norme conjugale. Cette lignée montre un Jésus tellement à 100% humain que la rumeur de l’époque qu’a affronté Joseph, le faisait un mamzer, un enfant né hors mariage.
Cette lignée d’imparfait, écrit le pape dans sa lettre ouvrant l’année de la miséricorde (# 14) ne saurait cacher aux yeux contemplatifs que la beauté demeure inchangée malgré tant d’obscurité et de propositions alternatives. Elle nous fait voir de la lumière dans les ténèbres. L’incarnation, écrit Zachary Hayes, n’a pas été pensé par Dieu après coup[1]. Matthieu, inaugurant son évangile, écrit l’apogée apparaissant au milieu de la nuit, de nos nuits.
Voilà bien l’essentiel du message que Matthieu explicitera tout au long de son Évangile. La beauté demeure inchangée malgré tant d’obscurité. Notre beauté originelle et cela est très franciscain, demeure inchangée. Le péché n’est pas la raison première de la venue de Jésus, répète Bonaventure. Dieu se courbe pour nous montrer notre beauté.
L’obscurité est le chemin qui annonce l’arrivée de celui qui essuiera toute larme de nos yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleurs, de cris et de peine (cf. Ap 21 ,4). Jésus, fils de l’homme (Mt 9.6 ; Mc 2.10), fils de David, dira Matthieu à 10 reprises dans son évangile, est né au moment où il faisait très noir dans le monde. Le non-conformisme de sa naissance préfigure son audace à annoncer que la bonne nouvelle se voit quand il fait noir.
Il fait noir dans notre monde. Il fait noir dans notre Église. La liste de nos nuits est longue, opaque. N’oublions pas que le temple de Jérusalem avait une porte appelée la belle porte et le temple de Dieu qui est notre cœur a aussi une belle porte, à savoir la porte de l'espérance[2]. Ne cessons pas d’attendre, écrit notre évêque, cette terre nouvelle… en fortifiant les mains défaillantes et les genoux qui fléchissent, en produisant les fruits de la patience, du pardon, du respect et de la tendresse.
Au milieu des ténèbres que cette généalogie fait ressortir, Matthieu présentera demain un regard de lumière dans la nuit profonde qu’il vivait, celui de Joseph. Il a su au milieu de ses interrogations douloureuses garder le cap de la lumière. À nous maintenant, au milieu des nuits de notre monde, de notre Église de reconnaître que la lumière ne viendra pas de l’extérieur parce que la lumière, c’est nous chrétiens. AMEN.
[1] Citée par Ilia Delio l’humilité de Dieu, perspective franciscaine, Ed. Franciscaines,2011, p.129