2017-A-Lc 5, 27-32- samedi des Cendres- sans défauts, nous serions insupportables
Année A : samedi des Cendres (litac00s.17)
Luc 5, 27-32 : sans défauts, nous serions insupportables
J’ouvre ce carême par une affirmation étonnante, mais très réaliste. Si je n’avais pas de défauts, je serais insupportable. Vivre près d’une personne reconnue pour sa sainteté m’apparaît plus exigeant que de vivre près de quelqu’un qui se sait imparfait.
Faire quelque chose pour quelqu’un d’autre fait de nous de bonnes personnes. Se faire quelque chose sera quelque chose de beau. Cette action ne sera jamais quelque chose de parfait. Dans son souci d’aider ses compagnes à avancer dans leur vie d’oraison, Thérèse d’Avila (autobiographie) leur dit que les fautes dans lesquelles il (Satan) nous fait tomber au lieu de nous nuire, servent à s’avancer vers Dieu. Dieu nous permet de ne jamais agir parfaitement pour nous faire sentir notre impuissance à agir sans lui.
Il y a certaines choses que je fais très bien et d’autres très mal ; je suis une personne généreuse, mais je ne suis pas très ordonnée. J’encourage facilement les autres, mais je m’agace également très vite. Je suis heureuse d’aider quelqu’un qui en a besoin, mais je peux aussi être égoïste lorsqu’il s’agit de mon temps. C’est ce que je suis ; le bon et le mauvais cohabitent en moi. Jésus reconnaît cela. Nous aussi. Chacun de nous fait des erreurs. Nous avons tous des traces de « comportement toxique » en nous.
Chaque jour de ce carême, nous allons rencontrer «monsieur moi», «madame moi», «soeur moi». Le tuer, c’est impossible. Le diminuer est la route du carême. Tuer nos défauts, c’est rêver en couleur. Les atténuer, mourir un peu chaque jour est une aventure évangélique.
En appelant Lévi, en ressuscitant Lévi, Jésus a changé son cœur. Il ne s’agit pas d’une simple amélioration ni d’une ferme résolution de ne plus pécher, mais d’une révolution copernicienne. Jésus refuse de faire du neuf avec ce qui est vieux (cf. Mc 2, 21). La miséricorde divine transforme le persécuteur en apôtre ; le loup en berger. Elle fait d’un publicain un évangéliste [...]. Touchée de notre sort, elle nous a tous changés (un moine du IVe siècle). Ce changement, dit un psaume, est vraiment l’œuvre du Très-Haut (Ps 76, 11) qui nous donne un cœur nouveau, qui met en nous un esprit nouveau, qui change notre cœur de pierre en cœur de chair (Ez 36, 26).
Alors qu’il aurait raison de s’emporter à notre endroit, de s’irriter contre nous, d'oublier les Lévi de l’histoire, Dieu n’est pas affecté par nos cœurs de pierre, nos nuques raides (Dt 9, 6). Il est un Dieu et non pas homme (Os 11, 9). Il est, dans les mots de saint Bernard, impassible et compatissant.
Depuis le jardin de la Genèse résonne son cri déchirant: Adam, où es-tu (Gn 3,9) qui devient, dans les mots de Jésus, un retentissant appel : convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est proche (Mt 3, 2). L’Église reprend cet appel et continue de supplier la miséricorde de Dieu de nous faire revenir et nous reviendrons (Jer 31, 18).
Une question surgit en moi : que nous reste-t-il à vivre après avoir fait l’expérience de la miséricorde ? Qu’a vécu Matthieu après que Jésus l’a appelé en le regardant avec miséricorde ? Qu’a vécu Zachée après que Jésus a voulu entrer dans sa maison ? Qu’a vécu Marie-Madeleine, après avoir été libérée de sept démons ? Qu’a vécu Dismas, le « bon larron », après que Jésus lui a promis le paradis ? Qu’a vécu Pierre après le pardon de son reniement ? Et Paul ? Et Augustin ? Et François ? Et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont fait l’expérience de la miséricorde de Dieu en rencontrant Jésus : que s’est-il passé ensuite ?
À partir de l’expérience de Lévi, je tente une réponse : ils ont vécu l’amitié avec le Christ. L’expérience de la miséricorde suscite l’amitié avec Jésus. Mieux, l’expérience de la miséricorde se poursuit comme amitié. L’amitié avec le Christ, expérimentée comme miséricorde, comme regard d’amour qui pardonne et rachète, devient chemin de libération. Un chemin pascal. Prenons ce chemin. AMEN.