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Lettre pastorale de Mgr Simard sur le sacrement du Pardon

Date: 
Jeudi, 11 février, 2016 - 10:15
Aux pasteurs et aux fidèles du diocèse de Valleyfield
Salut et bénédiction dans le Seigneur 


 

 

 

Depuis mon arrivée au diocèse de Valleyfield, plusieurs pasteurs, diacres ou agent-e-tes de pastorale m’ont demandé de faire connaître ma pensée sur le sacrement du pardon ou pour certains, sur les formes que peut prendre ce sacrement. D’autres personnes ont exprimé le désir d’une réflexion en profondeur sur ce sacrement mal  compris et délaissé. En effet on constate de la part de beaucoup de catholiques une désaffection pour ce signe extraordinaire de la tendresse et de la miséricorde de Dieu.

 

Par ailleurs le pape François ne cesse depuis des mois de revenir sur ce sacrement, que ce soit dans ses homélies quotidiennes ou dans des catéchèses données lors d’une audience sur la place Saint-Pierre. Mais le pape François ne fait pas que parler; il agit. Voilà pourquoi, à l’occasion des « 24 heures pour le Seigneur » des 28 et 29 mars 2014, il donne un exemple extraordinaire d’humilité et de vie chrétienne en se confessant lui-même en public, à un prêtre. Il a voulu ainsi valoriser un sacrement relativement tombé en désuétude et encourager les fidèles, y compris les prêtres, les diacres et les évêques, à recourir plus souvent  au sacrement de la réconciliation ou du pardon. C’est encore l’un des buts du Jubilé extraordinaire de la miséricorde que de valoriser le pardon et sa forme sacramentelle, comme l’affirme le pape François dans sa bulle d’indiction du Jubilé:

 

 

 

 

 «Le temps est venu pour l’Église de retrouver la joyeuse annonce du pardon.  Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance (no 10).»

 

 

«Avec conviction, remettons au centre le sacrement de la Réconciliation, puisqu’il donne à toucher de nos mains la grandeur de la miséricorde (no 17).»

 

 

 

 

 

 

 

 

I RETROUVER LE SENS DU SACREMENT DU PARDON

 

1.         Avant de parler du sacrement qui fut constamment en chantier dans l’histoire de l’Église, il est pertinent de clarifier le langage. Pourquoi ce signe sacramentel  dans lequel le Seigneur continue de manifester sa miséricorde et son pardon porte-t-il des noms différents: confession, pénitence, pardon, réconciliation? Certains catéchètes parlent même du sacrement de la paix. Tout dépend de l’accent qu’on veut donner au sacrement.

 

«Confession» veut insister sur l’aveu sincère de nos fautes et des péchés commis. «Pénitence» dénote à la fois le changement, la conversion et la réparation des torts ou des offenses. 

 

«Réconciliation» veut montrer que c’est d’abord Dieu qui nous attend pour nous réconcilier avec Lui et qui donne  à la personne qui  accueille le pardon de Dieu la force de se réconcilier avec Dieu lui-même, avec son Église, avec ses sœurs et ses frères et même avec la nature.

 

Enfin «pardon»  nous rappelle que c’est Dieu, par son Fils mort et ressuscité  et par la médiation de l’Église et du prêtre, qui pardonne et donne la force de «pardonner à notre tour à ceux et celles qui nous ont offensés», comme on le demande dans le Notre Père.

 

 

 

 

L’expression de la miséricorde de Dieu

 

2.        Pour bien comprendre le sacrement du pardon, il faut d’abord le situer dans le cadre de la miséricorde de Dieu. C’est grâce à saint Jean Paul II que la miséricorde a été remise au centre de notre prédication et de notre vie chrétienne par la parution de son encyclique «Dives in Misericordia» du 30 novembre 1980. La miséricorde est une urgence pour aujourd’hui. En effet, les conflits dans nos familles, dans nos sociétés, dans le monde,  les actes de terrorisme, la violence, les massacres qui sont survenus dans les derniers mois, nous interpellent fortement et nous rappellent que seule la miséricorde peut dénouer ces situations bloquées. N’est-ce pas ce que rappelait Jean Paul II:

 

«Le Christ est l’amour et la miséricorde en personne. Cette miséricorde, le Christ la diffuse sur l’humanité à travers l’envoi de l’Esprit qui, dans la Trinité, est la Personne-Amour. Et la miséricorde n’est-elle pas le second nom de l’amour saisi dans son aspect le plus profond et le plus tendre, dans son aptitude à se charger de chaque besoin, en particulier dans son immense capacité de pardonner.»   (Homélie pour la canonisation de la bienheureuse Maria Faustina Kowalska).

 

3.        Trop souvent on présente le pardon de Dieu comme une vague condescendance du Créateur devant les erreurs de sa créature. Oui bien sûr, l’être humain a péché: passons l’éponge! Le pardon de Dieu, serait, au minimum, le mépris, dans la majorité des cas, l’indifférence, et dans le meilleur des cas, l’oubli: «N’en parlons plus!  C’est du passé!». C’est trop mal comprendre que le pardon de Dieu n’est qu’une expression de sa miséricorde. De sa miséricorde infinie: car elle reste comme le visage de Dieu, comme la révélation, la manifestation de sa nature la plus intime. Dieu est miséricorde et ce qui nous est demandé, c’est de toucher le cœur de Dieu, par un appel à sa miséricorde, à son amour. 

 

 

4.       Accueillir le pardon de Dieu, c’est célébrer dans la joie, sa miséricorde qui fait du neuf en nous. C’est ce que nous disent les paraboles de la miséricorde, à savoir les paraboles de la brebis retrouvée, de la drachme perdue et celle du père miséricordieux ou de l’enfant prodigue  (Luc 15). Il est difficile d’entrer dans ce grand mouvement de la miséricorde et d’adopter cette forme d’amour qui pousse à vivre la misère de l’autre comme si elle était la nôtre. Mais, sans miséricorde, il n’est pas de réconciliation possible. L’Église a reçu la mission du Christ de témoigner de la miséricorde de Dieu. Quand  il est question dans le Nouveau Testament de la fondation de l’Église, de sa mission, de l’envoi des Apôtres et des disciples, il est question de pardon, de réconciliation. Saint Jean affirme clairement que les apôtres ont reçu le pouvoir de pardonner les péchés: «Recevez l’Esprit Saint! Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés » (Jn 20: 22).

 

Dans sa catéchèse sur le pardon (19 février 2014), le pape François réaffirme cette conviction:

 

 « Ce passage nous dévoile la dynamique plus profonde qui est contenue dans ce sacrement. Avant tout, le fait que le pardon de nos péchés n’est pas quelque chose que nous pouvons nous donner à nous-mêmes. Je ne peux pas dire: je me pardonne mes péchés. Le pardon se demande, il se demande à quelqu’un d’autre et dans la confession, nous demandons à Jésus son pardon. Le pardon n’est pas le fruit de nos efforts, mais c’est un cadeau, un don de l’Esprit Saint, qui nous comble dans le bain régénérant de miséricorde et de grâce qui coule sans cesse du cœur grand-ouvert du Christ crucifié et ressuscité.»

 

 

 

 

5.        Dans sa IIe Lettre aux Corinthiens, saint Paul définit son ministère comme «une ambassade de réconciliation» (2 Co 5: 20),  ministère qu’il va exercer en mettant beaucoup d’efforts à réconcilier des frères séparés par un conflit ou des communautés divisées. Notre appartenance à l’Église fait de nous «le peuple de la réconciliation» chargé de témoigner au monde que le pardon est possible, investi de cette mission d’annoncer, en paroles et en gestes, cette Bonne Nouvelle de la miséricorde de Dieu révélée en Jésus Christ. Et comme le dit si bien le pape François,

 

 «… célébrer le sacrement de la réconciliation signifie être enveloppé dans une étreinte chaleureuse: c’est l’étreinte de l’infinie miséricorde du Père.»  (Catéchèse du 19 février 2014).

 

S’ouvrir au pardon de Dieu qui est une force d’espérance, c’est inévitablement s’engager dans une démarche où nous reconnaissons la réalité du péché dans notre existence.

 

 

 

 

Le sens du péché

 

6.        Force nous est de constater une perte du sens du péché dans notre monde et parmi les fidèles. Or, comme le rappelait saint Jean Paul II:

 

«Ce sens du péché a sa racine dans la conscience de l’être humain et est comme l’instrument de mesure. Il est lié au sens de Dieu, puisqu’il provient du rapport conscient de l’homme avec Dieu comme son Créateur, son Seigneur et Père.»  (La Réconciliation et la Pénitence, no 18). 

 

L’obscurcissement ou l’éclipse de la conscience entraîne la perte du sens de Dieu et l’atténuation du sens du péché. On peut dire aussi que la perte du sens du péché est le résultat de la négation de Dieu. Si, dans le passé, on voyait le péché partout, peut-être qu’aujourd’hui on ne le distingue nulle part.

 

 

 

 

 

Le péché n’est pas d’abord d’ordre moral mais d’ordre théologique. C’est le refus de Dieu, l’exclusion de Dieu dans notre vie, exclusion qui, de nos jours, se manifeste non pas tant par le rejet de Dieu que par l’indifférence à Dieu.  Le péché, ce ne sont pas nos fautes morales ou nos bêtises mais le refus de Dieu, le refus d’entrer en communion d’amour avec Dieu et avec les autres.

 

 

 

 

 

7.        Toujours accessible de la part de Dieu, la vie divine ne peut plus circuler en nous et entre nous parce qu’elle est bloquée par nos gestes, nos paroles ou notre manière d’être ou de vivre. Le péché est un manque d’amour qui brise la relation entre Dieu et la personne humaine. Nous sommes tous pécheurs mais encore faut-il se reconnaître pécheurs, ce qui ne peut advenir que si nous prenons conscience de l’amour de Dieu pour nous et de notre indigence.

 

 

8.        Nos contemporains parlent de la sacro-sainte liberté et de l’autonomie personnelle. Mais lorsque la liberté est recherchée en dehors de Dieu, on se retrouve face à une perte de la dignité personnelle, face à la confusion morale et à la désintégration sociale. Retrouver le sens du péché et de sa présence destructrice tant au plan personnel que social est un service d’espérance: c’est renforcer les fidèles croyants dans leur lutte contre le mal et le péché et dans leur choix pour la perfection de l’amour et la plénitude de la vie chrétienne.  Il est bon de réentendre l’appel du pape François à se reconnaitre tous pécheurs:

 

«Qui d’entre nous peut prétendre qu’il n’est pas pécheur? Personne. Nous le sommes tous (…) Dire toujours la vérité et éviter le mensonge, ne pas voler mais plutôt partager ce qu’on possède avec les autres, spécialement ceux qui sont dans le besoin, ne pas céder à la colère, à la rancune et à la vengeance, mais être doux, magnanime et prêt au pardon. Ne pas tomber dans la médisance qui ruine la bonne réputation d’une personne, mais regarder avant tout le côté positif de chacun. Il s’agit de revêtir l’homme nouveau, avec ces attitudes nouvelles.» Place Saint-Pierre, «24 heures pour le Seigneur», 28-29 mars 2014).

 

 

 

 

 

Le lieu privilégié des retrouvailles

 

 

 

9.       Dans un de ses livres, René Dufay compare le sacrement du pardon à une «maison où l’on m’attend».  C’est d’ailleurs le titre de ce livre (Ed. Chalet, 1975). Référant à la parabole du père miséricordieux ou de l’enfant prodigue, il montre que dans la maison, il y a le Père aimant qui attend le retour de son fils, qui prononce cette parole libératrice jaillie de la silencieuse patience d’un amour miséricordieux et qui l’exprime aussi par la course vers son fils, les bras ouverts et le cœur qui embrasse.

 

Il y a le fils qui a dilapidé le bien de son père mais qui revient, qui franchit le seuil de la maison. Si l’initiative de la réconciliation vient du Père, elle n’est possible que par un «retournement» du fils qui a décidé de se détourner de sa situation de déchéance et qui s’est mis en route. Le fils ne s’est pas résigné à être égaré. Ce fils confesse son péché et demande à être traité comme un serviteur: c’est l’aveu mûri après une longue expérience et  qui le reconstitue dans  la vérité.

 

 

10.     C’est l’examen de conscience qui doit emprunter le regard de Jésus pour regarder sa vie et le monde avec le regard renouvelé par la Parole de Dieu:

 

i)        regard  de tendresse et d’émerveillement devant la création, l’être merveilleux que je suis, les réalisations et les accomplissements libérateurs de l’humanité, les signes nombreux de la présence aimante de Dieu, etc.

 

ii)      regard de tristesse et de déception devant le gâchis et la pollution tant de la nature que du cœur, devant les injustices, les refus d’amour et l’indifférence…;

 

iii)    regard de confiance et d’espérance devant «les matins à faire sans cesse revenir et les printemps à faire inlassablement renaître»  (René Dufay, La maison où l’on m’attend, p. 21).

 

Et c’est lorsqu’il se retrouve dans les bras de son Père que le fils abandonne son âme de serviteur et retrouve sa dignité de fils, de fils pécheur pardonné. Il est alors réconcilié avec lui-même.

 

11.      Se reconnaître pécheur, c’est donc se reconnaître comme personne coupable mais aimée, capable de signer toutes les pages de sa vie, «les belles pour en rendre grâce parce qu’elles ont été occasion de réussite et de dignité humaine, les laides pour en rendre grâce aussi parce qu’elles furent occasion de vérité et de pardon» (René Dufay, p. 132). Se reconnaitre pécheur, c’est, en d’autres mots, accepter sur soi, sur sa vie, le regard d’un Dieu qui nous attend non pas pour nous condamner mais pour nous libérer, pour nous prendre par la main et pour nous redire son amour. Lorsque nous commençons notre confession par cette formule: « Bénissez-moi mon Père, parce que j’ai péché », nous ne nous trompons pas; au contraire, nous exprimons déjà notre conviction à la fois de la bonté de Dieu et de la malice de notre péché.

 

 

12.     Il y a aussi le frère ainé qui doit franchir le seuil de la maison. Alors que le fils cadet fait l’expérience du manque et de l’échec, le grand frère fait à son tour l’expérience du péché, l’expérience de l’engourdissement du cœur. Fort de ses prérogatives, il refuse d’accueillir son frère. Il s’agit de la réconciliation avec l’autre. Encore là c’est le Père qui sort pour «prier» son fils d’entrer partager la joie des retrouvailles du fils perdu. Se laisser réconcilier, c’est aussi accepter de porter sur l’autre un autre regard que le sien; c’est épouser le regard de Dieu qui rétablit dans l’amitié avec son frère ou sa sœur. C’est accepter qu’un autre intervienne pour m’indiquer que la personne contre laquelle je suis en état d’inimitié ou d’incompréhension ne se réduit pas à l’image que je m’en fais. C’est porter sur tous mes frères et sœurs en humanité le regard de bienveillance de Dieu qui ne fait acception de personne: cette femme, cet homme, ces gens d’une autre race, d’un autre pays ou d’une autre tendance, ces gens que je n’aime pas ou que j’aime mal, Dieu les aime.

 

 

13.     Enfin dans la maison, prend place la maisonnée. Ce sont tous ces gens qui s’affairent pour organiser la fête, qui prennent part à l’accueil, qui mettent le couvert, qui assurent la musique, en un mot qui entrent dans la joie du père. Le sacrement du pardon ne peut donc se réduire à une simple rencontre individuelle; il exige la dimension communautaire d’un signe conforme à cette Alliance d’amour que Dieu a signée avec son peuple.  Se laisser réconcilier, c’est accepter de rejoindre la maisonnée pour participer à la joie de la famille réconciliée, joie de la communauté chrétienne rassemblée. Le sacrement du pardon nous remet en communion avec toute l’Église des rachetés en Jésus Christ. Voilà pourquoi la réconciliation sacramentelle est nécessairement ecclésiale: elle est rendue visible et palpable dans l’Église, lieu privilégié de l’action, de la présence et de l’accueil de Dieu, lieu des retrouvailles. Et dans cette maison, au sein de la maisonnée, des gens ont été choisis, ordonnés, pour  dire la parole de réconciliation, la Parole de miséricorde, et être eux-mêmes «signes» rendant visible la présence du Christ. L’absolution que les prêtres signifient au nom du Christ  est parole de résurrection, de renouveau, d’amour fécond.

 

14.     Si nous voulons que le sacrement du pardon retrouve sa place dans notre cœur, il faut donner le goût d’entrer dans la maison et de rejoindre la maisonnée rassemblée en un seul cœur dans l’amour et la joie. Il appartient à nos paroisses, nos communautés chrétiennes d’être «des îlots de miséricorde» (Pape François), des maisons de l’accueil et de la paix, des phares qu’on aperçoit de loin quand on s’est égaré, des maisons où tout le monde peut se sentir chez soi, même le publicain, le marginal, la personne vivant à la périphérie de nos sociétés ou de nos cœurs.

 

 

 

Le sacrement comme lieu de guérison

 

15.     Dans sa catéchèse sur le sacrement du pardon du 19 février 2014,  le pape François met en relief la dimension curative du sacrement:

 

 

 

«Le sacrement de la réconciliation est un sacrement de guérison. Lorsque je vais me confesser, c’est pour être guéri, pour guérir mon âme, guérir mon cœur et ce que j’ai fait et qui ne va pas.»

 

 

 

 

 

Et le pape de référer à l’épisode du pardon et de la guérison du paralytique (Mc 2: 1-12; Mt 9: 1-8; Lc: 17-20) où le Seigneur se révèle à la fois médecin des âmes et des corps.

 

Pas étonnant que le pape François compare l’Église à un hôpital de campagne au service des blessés de la vie, expression désormais consacrée prononcée lors de sa rencontre avec le clergé romain le 6 mars 2014. S’adressant aux prêtres, il leur rappelle combien ils doivent être des hommes de miséricorde et accueillir les pénitents avec les  entrailles de la miséricorde» du Seigneur:

 

«Comme Jésus devant les personnes perdues, le prêtre ressent de la compassion… À l’image du Bon Pasteur, il est homme de miséricorde et de compassion, qui se fait serviteur de tous… Le prêtre est tout particulièrement miséricordieux dans l’administration de la réconciliation et il le démontre par sa manière d’accueillir, de conseiller et d’absoudre… Le prêtre miséricordieux doit agir comme le Bon Samaritain… parce qu’il est capable de compassion. Il est le cœur du Christ.»

 

 

II PLUSIEURS FORMES, UN MÊME SACREMENT

 

16.     Le Rituel du sacrement de pénitence et de réconciliation propose plusieurs formes de célébration du sacrement du pardon: individuelle ou communautaire. Les formes les plus courantes sont la réconciliation individuelle et la célébration communautaire avec absolution individuelle. Il y a aussi la célébration communautaire avec absolution collective qui ne peut avoir lieu que si  s’appliquent des conditions de grave nécessité et si elle est approuvée par l’évêque. Cette dernière forme peut donc encore être autorisée si la preuve est faite qu’il a «grave nécessité». Chacune de ces formes met l’accent sur un aspect ou l’autre du sacrement, qu’on veut privilégier ou non.

 

 

17.     La célébration individuelle «permet, de manière irremplaçable, de manifester que le pardon rejoint chacun dans ce qu’il a de plus personnel» (Rituel, n° 26). Cette forme donne plus d’importance à l’aveu du pénitent et à la parole d’encouragement et de miséricorde du prêtre. Elle ouvre aussi la possibilité d’un dialogue avec le pénitent et d’une pénitence ou réparation réaliste et adaptée à la personne qui se confesse. Pour que cette forme favorise la conversion et l’engagement de foi et de charité, elle doit prendre en considération la nécessité de l’écoute et du partage de la Parole de Dieu.  Le pénitent doit relire sa vie non pas à partir d’une liste de péchés mais de la Parole de Dieu.

 

 

18.     La célébration communautaire  souligne la dimension ecclésiale du sacrement et la nécessité de se réconcilier entre nous. Elle manifeste aussi que nous sommes solidaires dans le mal et que les blessures du péché nous atteignent toutes et tous. Elle est l’occasion de nous interroger sur notre relation avec le monde et l’environnement, sur notre manière de vivre en Église, sur nos efforts pour vivre la justice sociale et le service des démunis et des pauvres. Se reconnaître ensemble pécheurs devient un acte prophétique qui annonce au monde le salut de Dieu et son alliance avec nous. Cette forme permet l’édification de l’Église comme communauté de baptisés, réconciliés, pécheurs pardonnés,  aimés et désireux de vivre du don que Dieu fait de sa grâce.

 

 

 

«Avec le temps, dit le pape François, la célébration de ce sacrement est passée d’une forme publique – parce que, au début, cela se faisait publiquement – à celle, personnelle et privée, de la confession. Cela ne doit pas faire perdre la matrice ecclésiale, qui en constitue le contexte vital. En effet, c’est la communauté chrétienne qui est le lieu où se rend présent l’Esprit qui renouvelle les cœurs dans l’amour de Dieu et qui fait de tous nos frères un seul corps dans le Christ Jésus. Voilà pourquoi il ne suffit pas de demander pardon au Seigneur dans son esprit et dans son cœur, mais il est nécessaire de confesser ses péchés humblement et avec confiance au ministre de l’Église.»  (Catéchèse sur le sacrement de la réconciliation, 19 février 2014).

 

Dans cette phrase, le pape François affirme à la fois la dimension ecclésiale et individuelle du sacrement du pardon.  Il n’est pas contre-indiqué de se demander s’il faille à nouveau valoriser toutes les formes du sacrement. Si l’Église les a voulues plurielles, n’est-ce pas pour développer toutes les facettes et toutes les richesses du sacrement.

 

 

19.     La forme habituelle pour recevoir le sacrement du pardon demeure la rencontre individuelle avec le prêtre. D’où l’importance de la rendre accessible et d’y faire appel avec confiance.

 

Toutefois, des circonstances particulières et exceptionnelles peuvent permettre la célébration communautaire du pardon avec absolution collective ou absolution individuelle et aveu global. Ces circonstances, une fois identifiées, doivent être soumises au jugement de l’évêque.

 

Enfin s’ajoutent à ces formes sacramentelles les moyens habituels du pardon proposés par l’Église tout au long de sa riche histoire: la pratique de l’aumône, du jeûne et de la prière spécialement encouragés au Carême, les œuvres corporelles et spirituelles de miséricorde dont parle le pape François dans sa bulle d’indiction sur le Jubilé de la miséricorde (no. 15), le combat pour la paix et la justice, le service du prochain, l’acceptation des souffrances et l’offrande des difficultés de la vie, etc. On ne peut oublier la célébration de l’Eucharistie, lieu par excellence de la réconciliation et du pardon pour les manquements plus quotidiens. 

 

En cette année jubilaire de la miséricorde, j’invite tous les diocésains et diocésaines à effectuer un pèlerinage à notre basilique-cathédrale Sainte-Cécile et à franchir la porte de la miséricorde.

 

 

20.    J’encourage toutes les communautés chrétiennes à valoriser ce sacrement de la miséricorde de Dieu en développant toutes  ses  richesses, ses facettes et ses dimensions. Voilà pourquoi il faut penser à des catéchèses sur le sens du pardon et du péché, et sur la confession des fautes. Ces catéchèses s’adresseront non seulement aux jeunes et aux catéchumènes mais aussi aux personnes plus âgées.

 

 

21.     À l’exemple du pape François, j’invite les pasteurs à fréquenter ce sacrement et à se rendre disponibles pour offrir ce service pastoral indispensable pour le bien des cœurs et la croissance spirituelle de nos communautés chrétiennes. C’est un rendez-vous avec le Christ compatissant et miséricordieux qui nous est offert pour guérir nos cœurs et œuvrer à la guérison des blessures du monde. Réconciliés et pardonnés, nous pourrons alors communiquer à d’autres la joie d’accueillir le pardon de Dieu et de retrouver l’amitié et l’unité avec nos frères et sœurs.

 

Et tout particulièrement en cette année jubilaire de la miséricorde et en cette saison du Carême 2016, allons leur dire que  la maison du Père les attend, qu’elle est ouverte pour les accueillir et leur offrir le pardon de Dieu.

 

 

Donné à Salaberry-de-Valleyfield, le mercredi, dix février deux mille seize, Mercredi des Cendres.

 

 



+ Noël Simard
Évêque de Valleyfield