Le 16 janvier 2016 avaient lieu les funérailles de madame Florence Ménard, à l’église Saint-Michel de Vaudreuil-Dorion. Née à Pointe-Fortune le 14 février 1922, elle était la fille de Claire Lalonde et d’Alexandre Ménard. Sa vie a été essentiellement consacrée au service de l’abbé Rodrigue Daoust et des paroisses qui lui furent confiées.
Pendant une quarantaine d’années, elle a donc travaillé avec lui comme ménagère, mais aussi réceptionniste, secrétaire et sacristine, notamment à Pointe-Fortune, Sainte-Clotilde, Sainte-Justine-de-Newton et Saint-Polycarpe. Après la mort de l’abbé Daoust en 1983, elle s’est ensuite retirée chez les Sœurs Auxiliaires de Marie-Médiatrice de Dorion. Elle a vécu ses dernières années au CHSLD Aimé-Leduc à Salaberry-de-Valleyfield. L’Évêque de Valleyfield a reconnu son dévouement en lui remettant la Médaille de l’Ordre du Mérite diocésain. Mme Ménard, que ses neveux et nièces, et ses proches aimaient appeler « ma tante Florence », est décédée à Salaberry-de-Valleyfield le 27 décembre dernier, fête de saint Jean l’Évangéliste.
M. Bernard Daoust, un de ses proches, lui a rendu hommage.
- Née le 14 février 1922 à Pointe-Fortune.
- Elle a une soeur « Laurette » et un frère Léopold.
- Elle fréquente l’école du village. Une seule classe regroupant tous les niveaux scolaires.
- Désirant poursuivre ses études secondaires, elle fréquente l’école anglaise, car du côté francophone, il était impossible de poursuivre au secondaire. Pas besoin de vous dire que M. le curé était très désappointé, car il s’agissait d’un milieu protestant.
- À l’âge de 17 ans, après le décès de son père, victime d’un accident de train, la situation financière familiale était très précaire. Tante Florence a eu à quitter la maison pour travailler et devenir autonome.
- Elle a travaillé principalement dans des familles anglophones comme : gardienne d’enfants, ménagère.
- En 1946, elle débute comme « servante » en devenant ménagère de mon oncle Rodrigue Daoust à Pointe-Fortune.
- Elle a suivi mon oncle pendant près de 40 ans dans toutes les paroisses où il a oeuvré: Pointe-Fortune, Ste-Clotilde, Ste-Justine-de-Newton, St-Polycarpe.
- La dimension spirituelle était omniprésente et essentielle dans la vie de tante Florence: assistance à la messe, prière, lecture à caractère spirituel, décoration des églises lors des grandes fêtes liturgiques i.e. Noël, Pâques, Mois de Marie, Fête de saint Joseph, etc.
- Elle a aussi travaillé à l’extérieur: à l’hôpital des vétérans à Ste-Anne-de-Bellevue comme préposée à l’entretien; chez les Soeurs Ste-Anne de Vaudreuil durant les vacances estivales comme cuisinière; comme dame de compagnie auprès des dames seules.
- Elle avait aussi des loisirs : voyage annuel à Val-David (Au Rouet); pèlerinage à Ste-Anne-de Beaupré; elle assistait au Congrès marial, visite à son frère à Oshawa, sa soeur à Ottawa. Elle effectuait des déplacements avec sa voiture pour elle ou pour mon oncle Rodrigue. Elle appréciait énormément les sorties au restaurant avec ses amies. Elle tricotait mitaines et bas, faisait du ski, des randonnées pédestres, jouait au bingo, écoutait des chants religieux et de la musique country (Patrick Normand). Elle câlinait et s’occupait des chats. Elle était du Club social de l’hôpital des Vétérans, du Club les Francs-Amis à Vaudreuil. Elle maintenait la grande amitié avec ses amies Simone Cadieux et Mme Castonguay. Elle participait à toutes les activités ou fêtes familiales de notre famille.
- Des bons repas qu’elle nous a préparés lors de nos visites dans les différents presbytères.
- Des JOKES ou des histoires abracadabrantes qu’elle contait avec son air espiègle.
HOMÉLIE
(Colossiens 3, 12-17/Jean 1-15)
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant; plus tard, tu comprendras » dit Jésus à l’Apôtre Pierre à qui il veut laver les pieds.
« Tu ne le sais pas…tu ne comprends pas… plus tard, tu comprendras. »
L’amour du prochain, le prochain qui est un frère ou une sœur, va jusqu’au service de l’autre et des autres, car c’est une forme privilégiée de l’amour inconditionnel qui jaillit d’un cœur habité par Dieu. Jésus, lui-même le Fils de Dieu, n’a pas réclamé d’être servi par les autres. Il s’est plutôt mis lui-même au service des siens.
Dans ce passage de l’évangile selon saint Jean, Jésus nous livre en actes le testament qu’il livre à ses disciples et à l’humanité : le bonheur de l’humanité, son salut, ne passe pas par des gestes de pouvoir et de domination, par la loi du plus fort, mais plutôt par l’abaissement volontaire dans le dévouement et l’amour mutuel, comme Dieu l’a fait pour nous. Le service des autres est la fine fleur de la vie chrétienne, lorsqu’il est vécu par choix, par amour, par imitation du Christ.
Quand Jésus se met à genoux aux pieds de ses disciples pour les laver, il leur exprime à la fois son affection fraternelle, mais surtout son désir de leur montrer jusqu’où peut aller son respect de leur valeur aux yeux de Dieu et son désir de leur exprimer la miséricorde de Dieu. Cette attitude de Jésus le mènera jusqu’à la croix : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » dira Jésus à ses disciples.
Le service est une valeur essentielle du christianisme. C’est une valeur méconnue ou méprisée de nos jours. Sans doute, parce qu’on a pu parfois abuser de cette qualité du dévouement, surtout dans les relations homme-femme. Mais, lorsqu’il est inspiré par un amour sincère de Dieu et des autres, le service est une qualité qui nous fait imiter ce que le Christ lui-même a vécu parmi les siens : « C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Dans une société où l’on valorise l’affirmation de soi, nos droits, notre personnalité, il ne nous est pas facile de comprendre cette qualité de l’amour. À la rigueur, les parents peuvent comprendre, les soignants aussi. Il a fallu, sans doute, une grande qualité d’âme et de foi, à tante Florence pour consacrer sa vie au service d’un prêtre et de sa mission là où l’Église l’appelait. Il lui a fallu une vraie vie spirituelle.
Non, il n’est pas facile de comprendre aujourd’hui le sens d’une vie de ménagère de curé. Et puis, dans une société qui a tendance à érotiser toutes les relations humaines, une société qui a un sens aigu du soupçon ou du scepticisme, et qui oublie la dimension spirituelle ou mystique des engagements, on déforme souvent le dévouement et le type de liens qu’un prêtre et sa ménagère pouvaient entretenir.
Je ne suis pas sûr d’avoir connu Madame Ménard, mais, en 51 ans de vie comme prêtre, j’ai connu de nombreux presbytères, j’ai été reçu et accueilli comme prêtre par des confrères qui comptaient sur l’aide de femmes qui nous considéraient comme des frères, et comme les serviteurs de Dieu. Des femmes de grandes qualités humaines et spirituelles. Certaines étaient célibataires ou mariées, certaines étaient des consacrées, certaines étaient religieuses. Pour elles, les prêtres étaient d’abord et avant tout des hommes de Dieu, des personnes qui consacraient leur vie au service d’une paroisse, d’une Église don de Dieu. Des femmes y consacraient des années, d’autres y consacrèrent leur vie. Plusieurs femmes laïques savaient nourrir leur engagement par une vie de prière ou encore, par un réseau spirituel de soutien. Elles se mêlaient aussi activement de la vie paroissiale, partageant ainsi les tâches de la mission avec les autres bénévoles.
À l’époque, surtout dans les petites paroisses, ces femmes étaient des collaboratrices essentielles du ministère des prêtres. Ceux-ci vivaient seuls ou avec des confrères, et toutes leurs journées étaient dévorées par un ministère qui reposait seulement sur leurs épaules. Heureusement, plus tard, sont venues des bénévoles ou des employées pour voir à la réception, au secrétariat, à la formation pastorale, à l’entretien des immeubles. À certains moments de l’année, notamment aux grandes fêtes, ou encore lors des « Quarante-Heures », les journées étaient plus chargées, des confrères venaient aider. Il fallait les accueillir, parfois les loger et les nourrir, ou même les soigner lorsqu’ils devenaient malades.
Tout cela se faisait dans la joie, l’entraide fraternelle, l’hospitalité généreuse, le partage des moments heureux ou difficiles, et même le partage de la prière, notamment à table. Ces femmes n’avaient qu’un seul désir : que les prêtres soient heureux et que leur mission en soit plus féconde. Des femmes ont su développer ainsi des liens de profonde amitié désintéressée avec les prêtres, priant pour eux et les appuyant de leur écoute et de leur dévouement.
Je conserve un très beau souvenir des ménagères qui servaient dans les presbytères où j’ai vécu ou qui m’ont accueilli au passage. C’étaient des femmes de cœur, des femmes de talents, de vraies petites ou grandes sœurs. Aujourd’hui, beaucoup de prêtres se retrouvent seuls pour tout faire dans l’appartement qu’ils occupent. Les temps ont changé.
Madame Ménard a vécu ses dernières années dans la sérénité d’une vie bien remplie. Merci à tous ceux qui en ont pris soin jusqu’à la fin. Que le Seigneur lui accorde paix et joie dans un repos bien mérité. Et que son exemple nous stimule à développer dans nos familles et nos communautés le sens du service et du dévouement, à la manière de Jésus. Amen.
Richard Wallot, prêtre, vicaire