Questions de Communication et Société à différentes personnalités sur le Synode sur la famille.
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À M. Gilles Routhier (Ordonné prêtre en 1979, Gilles Routhier est aujourd’hui professeur titulaire et doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuse de l’Université Laval. )
1. À partir de quels documents les participants au synode travaillent-ils ?
Les interventions dans la salle du synode se rapportent à l’un ou l’autre élément de l’Instrumentum laboris (instrument de travail) qui a été publié le 26 juin 2014 à la suite d’une large consultation en réponse aux questions envoyées aux évêques du monde entier dans le document préparatoire préparé en 2013 par le Secrétariat du synode.
Les interventions ont été regroupées suivant qu’elles traitent d’une question se rapportant à l’un ou l’autre chapitre de l’Instrumentum laboris. Ainsi, à chaque congrégation générale, les interventions portent sur un thème particulier.
2. À la fin de ce synode, que pouvons-nous attendre en termes de documents, de propositions, etc. ?
L’assemblée actuelle est dite « assemblée extraordinaire ». De ce fait, elle réunit un moins grand nombre d’évêques. Elle ne conclura pas la réflexion sur la famille, celle-ci se poursuivant, l’an prochain, par une nouvelle assemblée du synode. C’est alors que l’on verra se dessiner plus précisément les suites à la réflexion amorcée depuis la convocation de cette assemblée sur le thème de la famille, en 2013.
Au terme de la présente assemblée, on peut donc s’attendre à deux choses : un message adressé au peuple de Dieu, en particulier aux familles. Il sera rédigé par une commission mandatée à cette fin et présidée par le cardinal Ravasi. De plus, le lundi 13 octobre, le rapporteur général, le cardinal Erdö, fera en assemblée générale une synthèse des débats. Ce document a été préparé par le rapporteur, assisté de six membres du synode, un de chaque continent. On peut penser que cette relation constituera le cadre du document final. En effet, les groupes de travail constitués des participants à cette assemblée spéciale sont appelés à l’examiner et peuvent lui apporter des amendements. Ce document final sera en quelque sorte un nouvel « instrument de travail » pour la prochaine assemblée du synode qui portera, elle aussi, sur la famille.
3. Le prochain synode abordera lui aussi le thème de la famille. Est-ce la première fois que deux synodes consécutifs abordent une même question ?
Plus précisément, il s’agira de la prochaine assemblée du synode. En fait, le synode des évêques est un organisme permanent qui peut tenir diverses assemblées. Celles-ci sont dites extraordinaires (comme c’est le cas cette fois-ci), ordinaires (comme ce sera le cas la prochaine fois) ou spéciales. Les assemblées extraordinaires comptent un nombre plus restreint de membres. En général, on n’y retrouve que les présidents des conférences épiscopales et les cardinaux de la curie romaine.
C’est la première fois, en effet, que deux assemblées consécutives du synode des évêques sont consacrées au même thème.
4. Pourquoi a-t-on cru bon d’organiser deux synodes consécutifs sur le même thème ?
La première assemblée, la présente, a pour but de faire un tour d’horizon et de bien identifier les questions. Normalement, la deuxième aura davantage pour but d’examiner des solutions et de trouver des moyens pour relever les défis que l’on aura identifiés lors de cette première assemblée.
5. Est-ce que les travaux de ces deux synodes sont coordonnés ?
Oui. Il faut voir dans une continuité ces deux assemblées et comme un unique processus synodal la réflexion engagée depuis l’annonce de ces assemblées par le pape François, en 2013. Depuis, le Secrétariat général du synode a produit un document de base, soumis à la consultation et un instrument de travail qui devait être la base de la discussion à la présente assemblée. Le document final de l’assemblée actuelle jouera vraisemblablement le rôle de document de base pour la prochaine. Le tout se conclura probablement par une exhortation apostolique du pape François en 2016 ou 2017.
6. À partir de quels documents les participants au synode ordinaire de 2015 travailleront-ils ?
La prochaine assemblée n’est pas encore constituée. On n’en connaît pas les membres. Puisqu’il s’agit d’une assemblée ordinaire, un pays comme le Canada (qui compte plus de cent évêques) pourra y déléguer quatre membres. Une fois les délégués de chaque pays choisis, ils commenceront à se préparer. Dans un pays comme le Canada, il est habituel que la conférence épiscopale discute du thème et, éventuellement, des interventions que les évêques délégués voudront faire au synode. Autrement, ceux-ci ne parleront qu’en leur nom propre et non au nom des évêques canadiens.
7. Est-ce que les personnes qui participent actuellement au synode sur la famille prendront part au prochain synode ordinaire de 2015 ?
S’ils sont élus ou délégués par leur conférence épiscopale, bien sûr. Autrement, les chefs de dicastères de la curie romaine participent habituellement à toutes les assemblées. Enfin, le pape invite quelques autres évêques qui ne participent pas à l’assemblée en raison du fait qu’ils sont membres de la curie ou élus par leur conférence épiscopale, mais en raison de son choix personnel.
À Mgr Paul-André Durocher
- Quelle est la première chose qui vous a frappé en tant que participant au synode ?
La première chose qui me frappe, c'est la grande variété des expériences dans l'Église lorsqu'on entend des voix des cinq continents. Les préoccupations de l'Afrique ne sont pas celles de l'Asie, qui diffèrent de celles de l'Europe. Cette grande variété est source de richesse, mais aussi de tension : comment garder l'unité alors qu'il y a tant de différences ? Mais je sens aussi un grand souffle de fraternité entre les évêques, d'accueil mutuel et d'écoute attentive.
- Y a-t-il des points de vue qui se démarquent sur les questions pastorales qui préoccupent les gens ?
Il faudrait d'abord définir quelles sont ces questions pastorales. Pour les couples que je connais qui sont engagés dans l'Église, la grande question qui les préoccupe est comment transmettre la foi chrétienne à leurs enfants. Pour d'autres, ce sera comment cheminer dans la foi quand son partenaire n'est pas intéressé. Sur de telles questions, les positions ne se démarquent pas. On est plutôt confronté à une multitude de pistes à explorer.
Au Canada, et ailleurs, il y a des voix qui s'élèvent pour réclamer la reconnaissance des unions homosexuelles comme étant équivalentes au mariage. Je ne crois pas que cette option soit retenue par aucun évêque au synode, à cause de l'incompatibilité de cette position avec la tradition biblique qui est à la source de notre foi. Par contre, plusieurs évêques réclament un accueil plus ouvert aux couples homosexuels. Le degré « d'ouverture » à accorder est source de discussion.
Il en est ainsi, aussi, face à la proposition que le divorce soit accepté par l'Église catholique. Encore là, l'enseignement clair de Jésus nous empêche de prendre cette voie sans trahir l'Évangile lui-même. (Rappelons-nous que même les apôtres de Jésus ont trouvé cet enseignement particulièrement difficile à avaler.) Par contre, plusieurs évêques proposent des chemins d'accompagnement pour les couples reconstitués : il y a diversité de points de vue sur la façon de procéder.
- Remarquez-vous des points de vue différents selon les univers culturels des intervenants ?
Évidemment, les préoccupations divergent en fonction des régions du monde. Parfois, cela entraîne des positions difficilement conciliables. Ainsi, dans l'Occident, on peut vouloir être plus ouvert aux couples homosexuels, alors qu'en Afrique, on s'inquiète d'une idéologie étrangère qui veut s'imposer au nom d'un impérialisme culturel occidental. Dans les pays du Moyen-Orient, on ressent l'Islam comme une force agressive qui menace la survie du christianisme, alors qu'au Sénégal, où les chrétiens ne sont qu'une goutte dans l'océan musulman, on vit en harmonie. En Amérique latine, le machisme est toujours culturellement acceptable, alors qu'il l'est beaucoup moins en Amérique du Nord. Les inquiétudes, les attitudes qui découlent de telles divergences peuvent être assez frappantes.
- Comment les interventions des laïques sont-elles accueillies par les évêques et les cardinaux qui participent au synode ?
Les interventions sont chaleureusement accueillies et applaudies. Lorsqu'elles font référence à des expériences vécues, elles touchent le coeur. Nous sommes impressionnés par la qualité des interventions et par la profondeur d'engagement et de conviction de ces laïques, femmes et hommes. Notons que ces laïques sont intégrés aux groupes de discussion et prennent la parole comme les évêques. C'est un aspect de la procédure du synode qu'on gagnerait à développer dans l'avenir.
- Beaucoup de gens, sur bien des tribunes, se demandent ce que des évêques célibataires connaissent de la famille et du mariage. Que leur répondriez-vous ?
Demande-t-on à un cardiologue s'il a déjà fait un infarctus avant qu'il nous opère? Non. On s'attend à ce qu'il ait bien étudié, qu'il ait de l'expérience et une sagesse qui lui permette de bien se servir de ses connaissances. Évidemment, si on veut une oreille sympathique, on se joindra à un groupe de personnes qui souffrent de problèmes cardiaques.
De même en est-il des évêques. Il ne faut pas s'attendre qu'ils soient experts en sociologie du mariage, en psychologie du couple ou de l'enfant, ni en accompagnement thérapeutique. Mais ce n'est pas à ce titre que nous intervenons. Notre domaine, c'est l'Évangile : et l'Évangile a quelque chose à dire sur le mariage. C'est ce que nous essayons de discerner, avec l'aide des couples qui vivent ce grand sacrement, et avec l'assistance du Saint-Esprit que nous invoquons chaque jour durant le Synode.
- Au terme de la première semaine du synode sur la famille, que retenez-vous d'important ou de significatif ?
Une comparaison proposée par un évêque : Le synode, c'est comme un couple qui s'aime bien, mais n'arrive pas à s'entendre sur la façon de financer leur nouvelle maison. Ils sont d'accord sur le but, mais le moyen d'y arriver n'est pas clair. Alors, ils doivent passer beaucoup de temps à étudier les alternatives, peser les enjeux, s'écouter mutuellement pour enfin arriver à une décision avec laquelle ils pourront non seulement vivre, mais être heureux.
À Madame Sophie Tremblay (professeure à l'Institut de pastorale des Dominicains) sur la présence des laïques au synode sur la famille
1. Est-ce la première fois que des laïques participent à un synode ?
Non, cela s'est déjà produit. En octobre 1987, la septième Assemblée générale ordinaire du synode des évêques avait pour thème la vocation et la mission des laïques dans l'Église et dans le Monde. À cette occasion, une soixantaine de laïques hommes et femmes étaient invités comme auditeurs. Quelques-uns d'entre eux ont pu prendre la parole dans l'Assemblée générale et dans les Carrefours, bien qu'ils n'aient pas eu le droit de voter. En outre, deux laïques, une femme et un homme se sont vus désigner comme Secrétaires spéciaux adjoints.
2. Y avait-il des laïques lors de Vatican II ?
Oui. Lors de la première session convoquée par Jean XXIII, il y avait quelques laïques à la cérémonie d'ouverture du 11 octobre 1962. À la deuxième session du Concile Vatican II (automne 1963), le pape Paul VI a décidé d'inviter une douzaine d'hommes laïques en tant qu'auditeurs. Cela signifie qu'ils pouvaient assister aux congrégations générales, mais sans droit de vote ni de parole. Chaque nouvelle session du Concile, le nombre d'auditeurs laïques augmente. À partir de la troisième session (automne 1964), dix-sept femmes (9 religieuses et 8 laïques) viennent joindre les rangs comme auditrices et on atteint le nombre de quarante laïques. En octobre 1964, un homme laïque prend la parole pour la première fois dans l'assemblée des Pères conciliaires pendant la discussion du schéma sur l'apostolat des laïques; cela se reproduira quatre ou cinq fois dans d'autres assemblées. Enfin, quelques laïques ont pu contribuer aux travaux des commissions responsables du schéma portant sur l'Église dans le monde de ce temps et de celui sur l'apostolat des laïques.
3. Quel statut les laïques ont-ils à ce synode ? Sont-ils observateurs, auditeurs ? Ont-ils le droit de vote ?
Trente-huit laïques participent au synode de 2014, dont 13 couples mariés. Parmi eux, on trouve vingt-huit auditeurs et auditrices. Il y a aussi seize laïques invités en tant qu'experts. Ils n'ont pas le droit de vote, mais ils peuvent demander de prendre la parole.
4. À quelle fréquence les laïques qui participent au synode ont-ils le droit de prendre la parole ? La durée de leurs interventions est-elle limitée (quelques minutes seulement) ?
Les organisateurs du synode ont donné pour consigne aux couples invités comme auditeurs de livrer un témoignage en guise d'introduction aux débats en assemblée générale. Chaque jour, un nouveau couple prend la parole. Ils disposent en tout et pour tout de quatre minutes. Ce temps de parole est court, mais dans une assemblée de cette taille, toutes les prises de parole sont forcément limitées dans le temps.
5. Les laïques ont-ils droit de parole durant les assemblées et les ateliers ?
Les laïques auditeurs peuvent demander de prendre la parole, ils sont autorisés à le faire. Quant aux laïques invités comme experts, leur prise de parole est particulièrement importante pendant les Carrefours. On attend d'eux justement qu'ils apportent les lumières de leurs connaissances, de leur réflexion et de leur expérience. L'existence même de laïques experts en théologie et en pastorale dont la compétence soit reconnue au niveau international est significative et témoigne d'évolutions réelles dans l'Église catholique depuis le Concile Vatican II.
6. Les laïques prennent-ils la parole en leur nom personnel ou au nom d’un groupe ou d’une organisation ?
La prise de parole des couples tient à la fois du témoignage personnel et du reflet de la vie d'un groupe ou d'un milieu pastoral particulier. On attend d'eux qu'ils évoquent des situations de vie significatives, tant pour leur valeur chrétienne que pour leur ancrage dans le réel. Ils parlent à la première personne, mais ne parlent pas seulement d'eux-mêmes. Ils ne jouent pas strictement le rôle de porte-parole d'un groupe ou d'un mouvement. Toutefois leurs liens avec d'autres croyants et leur expérience pastorale les mettent en position de faire connaître la réalité concrète de nombreux couples et de nombreuses familles.
7. Quelle influence les laïques ont-ils lors de ce synode? Les évêques sont-ils ouverts à leur influence ?
Les laïques sensibilisent les évêques aux réalités de la vie familiale, dont ils peuvent vraiment parler de l'intérieur. Ils attirent l'attention des journalistes et des médias présents au Vatican par le caractère plus pragmatique et plus pastoral de leurs interventions. Quand le couple d'experts australiens Ron et Mavis Pirola ont parlé de l'accueil de leur fils homosexuel et de leurs cinquante-cinq ans de vie conjugale, ils n'évoquaient pas des principes abstraits, mais le défi d'être fidèle à l'Évangile au cœur de relations humaines quotidiennes et imparfaites. Ce genre de prise de parole donne un ton très particulier au synode. Il y a certainement des évêques qui se laissent toucher par ces témoignages vivants venus des quatre coins du monde. Mais qu'en résultera-t-il ? Il est impossible de le deviner.
8. Qui a décidé qu’il y aurait des laïques présents au synode sur la famille ? A-t-il fallu modifier le droit canon ou les règles synodales ?
Le Code de droit canonique présentement en vigueur depuis 1983 prévoit qu'il appartient au pontife romain de désigner et de nommer les participants au synode qui n'y sont pas convoqués de droit (voir les canons 342 à 346). C'est donc le pape François qui a pris ultimement la décision d'inviter des laïques, et des couples parmi eux, au synode sur la famille de 2014. Il n'a pas eu besoin de modifier quelque règle que ce soit, puisqu'il ne s'agit pas d'un précédent et que les règles en vigueur le permettent.
Sophie Tremblay Professeure à l'Institut de pastorale des Dominicains