Date:
Mercredi, 9 janvier, 2019 - 14:15
ÉPIPHANIE 2019
Bonjour à vous en ce Noël des nations qu’en Occident on appelle Épiphanie, mot qui veut dire «manifestation, briller sur».
Avez-vous votre galette des Rois? Avez-vous préparé une couronne à faire tirer au souper des Rois? Avez-vous vu des maisons où des bougies ou des lumières sont allumées aux fenêtres de voisins venus d’Orient?
Dans notre Québec laïcisé, cette fête de l’Épiphanie ne veut plus dire grand-chose alors que, pourtant, elle est d’une grande actualité! Si nous avons célébré joyeusement Noël, fête de la naissance de Jésus dans l’Église latine dont nous faisons partie, si nous avons souligné le Jour de l’An et la fête de Marie Mère de Dieu, aujourd’hui nous sommes unis à nos frères d’Orient, catholiques orientaux de différents rites, coptes, arméniens mais aussi orthodoxes pour fêter la naissance du Christ et sa révélation à toutes les nations.
Avec les Mages, nous venons reconnaître la royauté universelle du Christ, le Messie qui n’est plus limité à Israël mais qui accueille dans le Peuple de Dieu toutes les nations et toutes les cultures. À nous qui vivons un pays d’accueil de migrants ou de réfugiés, cette fête nous parle de la Lumière du Christ et de la foi qui accueille toutes les cultures.
Prenons le temps de nous rassembler ici. Pouvez-vous vous lever et nommer votre pays, votre culture d’origine? Ici, tous les continents ou presque sont représentés…
INTRO À LA PAROLE
Le mot Épiphanie signifie la manifestation du Christ à tous les peuples de la terre. Les Orientaux vont plus loin et appellent cette fête Théophanie, manifestation de Dieu lui-même. Tout part de l’évangile de l’Enfance de Jésus dans l’évangile de Matthieu. « Des mages venus d’Orient…Nous avons vu son étoile se lever… »
Le récit des Mages n’est pas une histoire inventée, mais ce n’est pas non plus un récit historique au sens moderne. C’est comme la préface d’un livre qui décrit l’enfance de Jésus comme l’annonce de ce qu’il va devenir. Au temps de Jésus, dans la littérature gréco-romaine et hébraïque, on présentait l’enfance d’un grand personnage en indiquant ce qu’il deviendrait.
Matthieu écrit pour des juifs qui ont cru en Jésus le Messie qui accomplit les prophètes. Il annonce que son message et sa vie vont concerner toutes les nations, de même qu’à la fin de son évangile, Jésus ressuscité va confier cette mission à ses disciples : « Allez, de toutes les nations faites des disciples… ». Déjà le prophète Isaïe avait prédit que Jérusalem, détruite et reconstruite après l’Exil à Babylone, deviendrait une ville de lumière et de révélation de Dieu attirant toutes les nations. C’est encore le cas aujourd’hui à travers les millions de pèlerins qui vont s’y recueillir.
La Lettre aux Hébreux nous rappelle aussi que le mystère du Christ concerne toutes les nations qui sont maintenant associées au même héritage divin que celui du peuple de l’Alliance : même corps et même promesse par l’annonce de l’Évangile à tous. Écoutons la Parole de Dieu.
HOMÉLIE
« Voici que des Mages venus d’Orient… » Comme il est beau ce récit théologique. L’Orient fascinait à l’époque et nous fascine encore. Terre de passage entre l’Orient et l’Occident, entre le Nord et le Sud, la Palestine de l’époque de Jésus (qui couvrait l’actuel Israël entre la Méditerranée et le fleuve Jourdain) est toujours, aujourd’hui encore, lieu de transit, de rencontres, d’affrontements meurtriers mais aussi une terre de dialogue et de recherche de la paix pour les trois grandes religions révélées du monde.
Récemment, l’Irak, rare pays laïc du Moyen Orient, invitait le Pape à visiter ce pays. Très bientôt, le Pape François se rendra aussi dans les Émirats arabes unis, à Abou Dhabi pour une visite officielle, à l’invitation du chef de l’État.
Oui, là, en terre d’Orient, Dieu a parlé par les prophètes et par son Messie. Là ces trois grandes religions judaïsme, christianisme et Islam, ont leurs sources. Là, le Christ est mort et est ressuscité pour tous les humains. Là, des millions de croyants venus de partout continuent de monter chaque année en pèlerinage.
Les mages venus d’Orient sont des païens en quête de vérité et de révélation, en quête d’une Lumière qui brille sur le monde, et d’un Roi venu pour tous. Guidés par une étoile, puis par les Écritures saintes, ils sont l’avant-garde de tous ceux qui, de toute race, langue et nation, sont venus adorer le Christ comme leur Roi et leur Sauveur. Le psaume 87 dit : «Jérusalem, Sion, en toi toute homme est né ».
L’Orient, plus précisément le Moyen Orient, est la terre natale du christianisme. Cela couvre aujourd’hui les pays qui vont de la Turquie (qu’on appelait Asie mineure) à l’Arménie et jusqu’au Pakistan et en Inde, en passant par le Liban, l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, l’Iran, les pays arabes, et bein sûr, l’État Israël et la Palestine occupée. Les premiers mille ans de l’histoire de l’Église ont parlé surtout le grec avant le latin. On y rencontrait les plus grands saints, des Églises très vivantes, la meilleure théologie, de grandes traditions spirituelles dont la vie monastique, la fidélité aux traditions, les premiers grands conciles, beaucoup de martyrs aussi. Là le christianisme est né, a grandi et s’est répandu en Europe de l’Ouest, en Afrique du Nord, en Éthiopie, Arménie, en Russie. Cela fait partie de notre histoire. Ce sont nos ancêtres, ce sont nos frères.
L’invasion de l’Islam a malheureusement changé bien des choses. Cependant, jusqu’au début du XXème siècle, l’Orient a toujours connu des communautés chrétiennes minoritaires mais très vivantes. Souvent, les chrétiens étaient les plus instruits. Malgré des périodes de persécution, les chrétiens étaient non seulement tolérés mais participaient à la vie civile, politique, culturelle et économique. Il n’en est malheureusement plus ainsi.
Depuis l’éclatement du conflit israélo-arabe et l’affirmation des nations arabes, dans les années cinquante et soixante, une intolérance de plus en plus grande a fait peur aux chrétiens dont beaucoup ont fui en Europe ou en Amérique. Voici quelques exemples.
Si en Égypte, les chrétiens, appelés coptes, étaient dix millions jusqu’à récemment, avec une multitude d’institutions d’éducation, de services sociaux et de paroisses vivantes, beaucoup ont fui les actes de violence et de harcèlement qui se multiplient depuis l’affirmation islamiste : attentats nombreux contre des églises, violences ou harcèlement. Jusqu’aux années 60, en Israël, des villes comme Nazareth et Bethléem avaient une majorité chrétienne, il n’en reste plus que de petites communautés. Le Pape Jean-Paul II avait mis le gouvernement Bush en garde contre l’invasion de l’Irak. On peut constater le grand gâchis universel, mais de Ninive à Mossoul, d’Alep à Erbil, des centaines de milliers de chrétiens ont dû fuir en hâte pour échapper aux violences de l’État islamique, aux bombardements. Ils ont tout perdu ou presque. Même au Liban ou en Jordanie, et dans les territoires palestiniens, les chrétiens ont de moins en moins d’avenir et fuient vers l’Occident. Ce sont nos frères et sœurs.
À Jérusalem dont la population était à 50,000 en l’an 2000, ne sont plus que 5,000 alors que les intégristes juifs veulent de plus en plus judaïser la ville et s’approprier les institutions chrétiennes. Bien sûr, ne parlons pas de l’Arabie saoudite où le christianisme est interdit, ni du Pakistan où les islamistes multiplient les violences contre les chrétiens, ni de certains états de l’Inde où les extrémistes hindous. De même au Yemen, en Iran. Dans tous ces pays, pas d’avenir pour les chrétiens instruits car les portes. Ce sont nos frères et sœurs.
Très peu de pays pratiquent une « certaine » tolérance officielle : le Liban, la Jordanie, la Syrie et l’Irak, l’Égypte et l’Autorité palestinienne. Ce qui n’empêche pas les exactions quotidiennes des quartiers où vivent les chrétiens. Les chrétiens syriens préfèrent la dictature du président Hassad, moins pire que celle des islamistes. Plusieurs chrétiens sont retournés pour reconstruite courageusement églises, écoles, logements, avec l’aide financière du Vatican ou d’institutions chrétiennes du monde. Dans l’ensemble du monde arabe ou moyen oriental, on peut parler d’une politique d’extermination culturelle et religieuse. Ce sont nos frères et nos sœurs.
Ce ne sont plus des mages qui viennent d’Orient chercher la lumière. Ce sont des milliers, des millions de chrétiens qui viennent chercher ici la possibilité de reconstruire une vie, des familles où les enfants grandiront en paix, en sécurité, en liberté. À nous d’être l’étoile, l’Astre q ui les guide vers le réconfort, la fraternité et leur donner place dans nos communautés et nos réseaux. Ce sont nos frères et nos sœurs. Plusieurs sont parmi nous.
Quand est-ce que nos médias nationaux en parlent? À peu près jamais… Trop d’intérêts économiques et financiers préfèrent oublier les droits à la liberté religieuse envers les chrétiens. Nos politiciens vont parler aux dirigeants du Moyen-Orient ou d’ailleurs des droits des femmes, des droits à l’information, mais contribuent eux aussi à notre oubli de nos minorités maltraitées. Le Pape François multiplie les initiatives de soutien aux chrétiens d’Orient. Il dénonce aussi le trafic et le commerce des armes et favorise une solution négociée pour Jérusalem et la Palestine, une ville et un territoire qui doivent rester ouvert à toutes les religions.
Il faut nous informer davantage et faire connaître la situation par nos réseaux sociaux. Il faut prier très fort mais aussi aller à la rencontre de ces chrétiens. Il faut soutenir financièrement les œuvres de Terre Sainte qui couvre non seulement Israël et les territoires occupés mais aussi l'ensemble du Moyen Orient. Il y a plein d’organismes fiables pour les aider : la Custodie de Terre Sainte, l’organisme du Vatican CNEWA, l’Ordre du Saint-Sépulcre, l’Aide à l’Église en Détresse, et d’autres.
Faisons-nous des amis parmi ces réfugiés et ces migrants, par l’accueil et la prière, par la culture et par le sport. Soyons pour nos frères et sœurs d’Orient l’étoile qui éclaire leurs ténèbres et leur apporte la joie. Amen.
Richard Wallot