MERCREDI DES CENDRES 2018
ÉGLISE TRÈS-SAINTE-TRINITÉ
HOMÉLIE DE MGR NOËL SIMARD, ÉVÊQUE DE VALLEYFIELD
Dans la confiance, oser l’aumône, la prière et le jeûne!
Le Carême revient. Mais c’est quoi, et qui s’en préoccupe?
Il y a une perte du sens du Carême dans un monde qui se détache de Dieu et où l’on organise sa vie en dehors de Dieu. Et cette année, le Carême rivalise avec la Saint-Valentin. Face à l’appauvrissement de la force de ces quarante jours de montée vers Pâques, nous sommes conviés à redoubler d’efforts pour vivre ce temps de réconciliation et de conversion, pour approfondir notre mission de baptisés et de convertis. N’est-ce pas là l’appel du prophète Joël qui invite les membres du peuple d’Israël à « revenir à Dieu de tout leur cœur car Il est tendre et miséricordieux ».
Puissions-nous entendre aujourd’hui cet appel de conversion et oser la confiance en Jésus, en l’autre et en soi, en vivant ces trois moyens que l’Évangile nous propose, à savoir l’aumône, la prière et le jeûne!
Pendant ces quarante jours, posons-nous la question : de quoi avons-nous vraiment faim? Qu’est-ce qui nous fait vivre et qui nourrit notre foi, notre vie spirituelle? Qu’espérons-nous et que bâtissons-nous?
Mais d’abord, comme le dit l’apôtre Paul dans la seconde lecture, « laissons-nous réconcilier avec Dieu ». Laissons-nous aimer, laissons la vie nous envahir et nous transformer. Par l’aumône, la prière et le jeûne, osons suivre le chemin de sainteté et de conversion à la manière du Christ, en nous mettant à l’école du Cœur de Jésus et en nous tournant vers nos frères et sœurs dans le besoin.
Et marcher à la suite du Christ, c’est redécouvrir qu’au cœur de notre foi chrétienne, il y a la mort et la résurrection de Jésus; c’est redécouvrir qu’être baptisé, c’est rejoindre la longue marche du peuple de l’Alliance et « ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » (Paul aux Corinthiens).
Dans la confiance, osons l’aumône, la prière, le jeûne!
L’aumône, la dimension qui est liée davantage à notre relation aux autres, c’est le partage, c’est la solidarité avec nos frères et sœurs qui sont aux prises avec la solitude, la misère, le rejet, l’exclusion ou l’indifférence. L’aumône, c’est entrer plus avant dans l’Amour miséricordieux de Dieu qui nous donne de pouvoir toucher la détresse de nos frères et sœurs en humanité.
Osons la prière qui réfère davantage à notre relation à Dieu. C’est dans le silence intérieur et dans un cœur à cœur avec Dieu que s’offre à nous le choix de nous mettre à l’écoute de la Parole pour découvrir et accomplir ce que Dieu attend de nous. En ce temps du Carême, Jésus nous propose de vivre en dehors du regard des autres, en dehors de notre propre regard. Cherchant à vivre sous le regard de Dieu, je deviens sensible à Lui et je me mets à agir à partir de Lui seul. Dans ce silence d’amour et cette écoute, je découvre l’intimité d’amour de Dieu, j’entre dans le secret du Père pour y découvrir la vraie source de mon identité. Car notre identité naît dans le secret de notre relation à Dieu.
Enfin, par le « jeûne », c’est surtout notre relation à la nature, aux biens qu’elle procure, à la richesse, à la consommation, qui est en cause. En ce Carême, osons la modération, la simplicité de vie, la frugalité. Osons l’ouverture de notre cœur, de nos mains, de notre portefeuille pour favoriser le développement dans la dignité de tous les peuples qui vivent dans la pauvreté. N’est-ce pas ce que nous propose Développement et Paix avec le Carême de partage et la canette à remplir…!
Car le jeûne que je préfère, dit Dieu, n’est-ce pas ceci : libérer les gens injustement enchaînés, rendre la liberté aux opprimés, partager avec celui qui est affamé.
Mais il y a d’autres formes de jeûne qui pourraient tout autant nous faire grandir pendant le Carême. Il y a le jeûne de la langue, en évitant les critiques négatives et les paroles qui blessent et qui font mal…
Il y a le jeûne des yeux, en choisissant de regarder ce qui peut rendre notre vie plus agréable et belle et en ne regardant pas ce qui dévalorise ou humilie les autres. Notre regard peut en être un de soutien et de valorisation comme il peut en être un de mépris et d’indifférence. Il serait peut-être bon de diminuer le temps consacré à Facebook, Twitter, Google, etc., pour regarder ce qui se passe dans la réalité.
Le jeûne des oreilles, en choisissant d’écouter vraiment ce que les autres nous disent, en choisissant de faire taire ces voix qui nous distraient et qui souvent nous empêchent de nous mettre à l’écoute de la voix de Dieu.
Le jeûne de la main, c’est la libérer de ce qui la tient fermée, c’est la tendre en geste d’ouverture, de partage, d’accueil… Le jeûne du cœur, c’est créer un espace pour Dieu et pour l’Autre, spécialement le mal-aimé, c’est chercher davantage à aimer qu’à être aimé.
Oui, vivons le Carême comme un temps d’audace. Dans la confiance, osons l’aumône, le jeûne, la prière. Osons vivre à plein notre vie de baptisés. Que notre Carême soit une marche joyeuse vers la Vie et vers Pâques. Et que l’eucharistie nous donne la force de nous tourner davantage vers Dieu et vers le service des autres.
Bon Carême 2018!
Amen