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Fête de Notre-Dame-de-la-Garde

Date: 
Lundi, 22 juin, 2015 - 08:15

Patronne de l'Île Perrot.

Le  21 juin dernier, les paroissiens de Sainte-Jeanne-de-Chantal (Notre-Dame-de-l'Île Perrot) ont célébré la fête de Notre-Dame-de-la-Garde, celle qui accompagna de sa garde céleste les fondatrices et les fondateurs de l'Église en Nouvelle-France; celle qui veilla aussi sur les marins, les explorteurs, les voyageurs et les premiers colons de l'île Perrot; enfin, celle qui vint visiter leur église en 1849 et qui prit demeure afin de les guider vers son Fils Jésus.  Le curé, Richard Wallot, leur adressa ces mots: «Fidèles aux traditions, conscients d’être l’objet de la bienveillance de notre « gardienne », et disponibles comme elle aux appels de l’Esprit, nous venons célébrer l’humble femme à qui fut confiée, au pied de la croix, la garde des fils et des filles de Dieu : « Voici ta mère! » Au moment où nous entrerons, dans quelques mois, dans une nouvelle étape de l’histoire religieuse de notre île, Notre Dame Marie veut réveiller dans nos cœurs la joie de l’Évangile et la volonté de de la rayonner auprès des familles de ce pays. Que la grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père, et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous!» Il leur livra ensuite cette homélie: 

 

HOMÉLIE (Luc 1)

 

Me voici à cet endroit où, pendant près de deux siècles, la Parole de Dieu fut proclamée et expliquée aux paroissiens de l’île. Il fallait que d’ici retentisse une Parole qui se voulait une Bonne Nouvelle pour réveiller, encourager et, parfois, convertir nos ancêtres dans la foi.

 

À une population laborieuse qui avait peu les moyens et le temps de s’instruire, les curés, mes prédécesseurs, cherchaient à réchauffer les cœurs, à  former les consciences, et à élever les esprits et les âmes afin que l’Évangile soit vécu au quotidien, et que la paix de Dieu règne dans les maisons.

 

C’est donc bien humblement que je viens ici, ce matin, non pour faire du folklore ou par esprit de nostalgie, mais pour rendre hommage à ces pasteurs à qui avait été confiée la charge des croyants de l’île.

 

À l’époque, - comme aujourd’hui, de plus en plus, - rappelons-nous que les prêtres devaient desservir plusieurs églises et chapelles dans un vaste territoire. L’abondance des vocations ne fut, somme toute, qu’une assez brève parenthèse dans l’histoire religieuse du Québec, soit à peine un siècle.

 

Et si le curé Pierre Denault qui inaugura cette église en septembre 1774, devint plus tard évêque de Québec, ce n’était pas pour revêtir la pourpre cardinalice ou le prestige des princes, mais pour élargir, organiser et nourrir la communauté catholique répandue partout en Amérique du Nord. Les circonstances font que notre paroisse, comme le Québec tout entier, doit se remettre à l’école des missionnaires de jadis qui ont évangélisé notre île. Ce n’est pas un recul dans l’histoire, c’est la loi de la vie qui sans cesse doit renaître.

 

Mais plus précisément aujourd’hui, nous faisons mémoire de cette visite, de cette Visitation que notre église a connue, lorsque le 20 juin 1849, , l’archevêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, nous arriva par bateau, avec un grand cortège, au débarcadère au pied de la falaise, pour venir apporter à la paroisse et à son curé de l’époque, l’abbé Louis-Joseph Huot, cette magnifique statue de Notre Dame de la Garde, en reconnaissance pour l’aide apportée à la rénovation de l’église Notre-Dame-de-Bonsecours, à Montréal. Tous les paroissiens de l’île s’étaient rassemblés pour l’accueillir, après une retraite  prêchée de 8 jours. Cette statue, en papier mâché rappelons-le, était l’œuvre des Sœurs Grises de Montréal. Mgr Bourget établissait alors la Vierge Marie, Notre Dame de Bonsecours, comme protectrice des navigateurs (le fleuve à cet endroit comportait de nombreux rapides) et gardienne de l’île Perrot. Des feux de joie tout autour de l’île soulignèrent aussi cette fête à laquelle assistèrent environ 2,000 personnes.

 

Je dis Visitation, car pour ceux qui ont la foi, la statue offerte n’était pas tant une œuvre d’art qu’un symbole précieux de la foi qui nous est alors parvenu chez nous, et du lien spirituel avec l’évêque du diocèse. Cette Vierge qui a les apparences d’une femme enceinte, n’est-elle pas celle dont l’évangile de Luc nous dit qu’elle partit rapidement dans les collines de Judée, il y a 2,000 ans, pour aller réconforter et aider sa cousine Élisabeth, femme âgée et enceinte de saint Jean Baptiste dont nous célébrerons la fête liturgique mercredi?

 

Mystère de foi, donc, et mystère joyeux que cette jeune fille, Marie, porteuse de la Bonne Nouvelle pour l’humanité, qui partait de la lointaine Galilée pour rejoindre sa cousine aux portes de Jérusalem. Deux femmes, alors, se rencontrent, la jeune et l’ancienne, deux croyantes représentant l’une, l’espérance du Premier Testament, et l’autre, la joie du Nouveau, dans une grande complicité des cœurs et une heureuse allégresse. Les enfants à naître déjà se reconnaissent, et Jean Baptiste tressaille de bonheur dans le sein d’Élisabeth, à l’approche de l’Emmanuel, Dieu avec nous, porté par la Vierge Marie.

 

Remarquez que c’est dans une simple maison, et non dans un Temple fastueux que Dieu se révèle : il le fait à travers la rencontre de ces femmes dans le quotidien des travaux et des jours. Notre foi ne naît pas de savantes élucubrations mais de l’expérience sentie de celles et ceux qui font l’expérience de Dieu au cœur des événements de leur histoire. C’est là l’originalité de la foi chrétienne.

 

Certes, il a fallu bien des siècles à l’Église avant que l’on revienne à la simplicité de l’Évangile et de la foi chrétienne. Il a aussi fallu des générations de témoins engagés, parmi lesquels la Vénérable Jeanne Mance, sainte Marguerite Bourgeoys (inspirée elle aussi par le Mystère de la Visitation), et surtout pour nous, sainte Jeanne de Chantal, au XVIème siècle, et tant d’autres témoins, connus ou non, ailleurs et ici. Notre Pape François, à l’école du saint Pape Jean XXIII, a remis en valeur la beauté de l’Évangile et la simplicité du message adressé à tous les hommes et les femmes de bonne volonté.

 

Notre église, somme toute petite, a gardé l’esprit de cette simplicité évangélique : quand Dieu nous parle, c’est sans pompes ni grandes manières, il n’en a pas besoin. C’est ainsi qu’il a parlé à travers son Fils, l’homme de Nazareth, proche des petits et des pauvres, comme plusieurs de nos curés l’étaient et dont il faudrait écrire l’histoire.

 

Ceux qui ont construit notre église ne rêvaient pas qu’elle devienne un palais ou un musée. Ils voulaient que ces pierres mortes, s’élevant sur cette belle falaise, deviennent la maison commune formée de pierres vivantes, le lieu de l’assemblée des croyants, le signal que Dieu continue  de venir nous visiter, et qu’il fait ici sa demeure et prend racines parmi les familles de l’île Perrot. Nos ancêtres voulaient que, pour toujours, cette église belle et digne dans sa simplicité permette à chaque génération de vivre l’expérience de la Visitation, et que chacune puisse dire, comme Élisabeth : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur! »

 

Non, aujourd’hui, nous ne faisons pas du folklore. Nous ne cultivons pas la nostalgie. Comme Marie, nous rendons grâce pour la foi reçue et partagée. Comme Marie, nous réveillons en nous le désir de partir et d’aller aux « périphéries » comme aime à dire notre Pape François, c’est-à-dire même dans les marges de la société. Il nous faut réveiller en nous le désir d’aller bâtir ou rebâtir, par de belles visitations, une Église de pierres vivantes qui trouvera dans ce lieu un havre de paix, un port d’attache spirituel, mais aussi un lieu d’envol pour une nouvelle aventure missionnaire. C’est à chaque génération, en effet, que la foi doit renaître, et rebâtir les solidarités de l’espérance et de la charité.

 

Notre église se vide-t-elle? N’est-elle qu’un lieu de passage pour les touristes? Que voulons-nous qu’elle devienne? Un nouveau curé viendra bientôt nous visiter à la fin de l’été, et voudra notre complicité pour faire de cette église un foyer de lumière, un phare de réconfort et d’espérance pour toutes ces familles qui viennent ici, à l’occasion, pour un baptême, un mariage ou des funérailles.

 

Que Notre Dame de la Garde, enceinte d’une joie offerte à tous, nous pousse à réveiller les vieilles pierres, en nous engageant non seulement à tisonner les cendres mais à faire de cette maison une maison de prière et d’amitié ouverte à tous.

 

Viennent ici déjà des croyants du nord et du sud, d’orient et d’occident, de toutes races, langues et nations. Que Marie Notre Dame de la Garde nous garde de la peur de l’étranger et de la frilosité religieuse, qu’elle nous pousse à redonner plus de vie à notre communauté.

 

« Ma maison, c’est votre maison » chante Gilles Vigneault dans son hymne « Mon pays ». De la Palestine à l’île Perrot, une femme nous a visités pour que sa maison soit celle de tous, et que, par notre témoignage, la joie de Dieu soit offerte à tous. Vive Notre Dame de la Garde!

Amen.