2023-A- Lc 1, 26-38 :- Annonciation - Dire oui à un Dieu inimaginable
Année A : annonciation de Marie (litac04s.23)
Lc 1, 26-38 : annonce d’un Dieu inimaginable.
Nous venons d’entendre une synthèse du projet de Dieu. Ne soyons pas naïfs. Cette synthèse est parmi les plus discutées des théologiens aujourd’hui. L’affirmation de Paul, écrit deux décennies avant les évangiles, soulève beaucoup de questions. Jésus est né d’une femme (cf. Ga 4, 4). Pour plusieurs, ce n’est pas une primeur, mais une simple réalité gynécologique. Les évangélistes ne s’entendent pas sur l’histoire de la naissance de Jésus.
Ce matin, mon regard ne se porte pas sur ces questions bien réelles. Il est abyssal. Il ouvre sur un tremblement de terre qui fait culbuter Marie vers l’inimaginable. Pour elle comme pour nous. Marie est radicalement changée par ce qu’elle entend. Sa vie paisible et ordinaire envisagée avec Joseph prend une tournure vers l’inconnu. Elle s’entend dire qu’elle est participante de la nature de Dieu. L’évangéliste Jean ne mentionne jamais le nom de Marie. Il en parle comme la mère du Seigneur, mère de Dieu, jamais comme la mère de Jésus.
L’annonciation est le commencement d’une histoire d’un Dieu désormais et pour toujours descendu du ciel pour être avec nous, au milieu de nous et non plus habitant des hauts lieux inaccessibles. Il s’est fait homme, né de Marie, née d’une femme dit Paul.
Le « oui » de Marie annonce un Dieu impensable, un Dieu qui n’est plus le « produit » de notre imagination ni une « projection » de ce que nous souhaiterions être. Marie dit « oui » à une autre approche de Dieu, à « autre » Dieu, un autre Messie que le Messie attendu, à un Dieu-renoncement de sa toute-puissance. Il s’est abaissé. Il s’est fait l’un de nous.
Son « oui » à Dieu avec joie (cf. 2 Co 9, 7) n’est pas gagné d’avance en nous tant il transforme le Dieu très haut en un Dieu très bas, en un Dieu homme pour les autres. Il rend Dieu participant à part entière de notre nature humaine. Son « oui » indique dans quelle direction il faut désormais chercher Dieu. En se faisant servante du Seigneur, elle donne naissance à une Voie, un Chemin pour rencontrer Dieu. La Parole éternelle habite parmi nous. Son « oui » est l’acte de foi le plus grand et le plus décisif de l’histoire du monde. Marie est la première de ceux qui ont cru sans avoir encore vu. Ce fut quelque chose d’autre qu’un “oui” voulant dire : on verra bien ce qui va se passer. Ce fut le “oui” […] sans autre sécurité que la certitude de savoir porteuse d’une promesse [1].
Et nous, ce matin, à quel Dieu disons-nous notre « oui » ? Nous sentons-nous porteurs d’une promesse ? Promesse difficile qui n’est pas une raison pour dire « non »[2]. Notre « oui » donne-t-il envie de croire en Jésus, de l’incarner ou conduit-il à un « oui » qui désincarne » Dieu, qui le rend incroyable aux yeux de notre culture actuelle ? Notre « oui » nous fait-il des annonciateurs du Dieu de Jésus, humain, compatissant ? Ouvre-t-il sur un message capable d’émerveiller, de séduire, de sauver sa bonne nouvelle ? Marie crut et ce qu’elle crut arriva en elle. Croyons-nous aussi pour que ce qui arriva en elle puisse nous être utile à nous aussi (saint Augustin) ? Nous avons besoin de contempler longuement le « oui » pour affirmer qu’il me soit fait selon ta Parole.
Le « oui » de Marie dépasse les frontières du Dieu de sa religion. Il oriente vers les autres. Le texte atteste que Marie se met aussitôt en marche. Son « oui » est, je paraphrase le pape François s’adressant à des séminaristes, un exode de son ego pour accueillir le projet de Dieu. Il conduit à un dialogue fraternel dans une ouverture radicale aux autres [3].
Aujourd’hui comme pour Marie, Dieu entre en nous. Il frappe à notre porte. Il nous salue, nous annonce des choses, de grandes choses, mais il nous laisse libres de dire « Oui ». AMEN.
[1] Christus vivit: Exhortation apostolique post-synodale aux jeunes et à tout le Peuple de Dieu (25 mars 2019) | François (vatican.va) # 44
[2] Ibid # 44