2020-A-Jn 12, 24-26- martyrs canadiens- n'être rien pour le tout
Année A : samedi de la 25e semaine ordinaire (litao25s.20)
Jn 12, 24-26 ; Rm 8, 31-39 : n’être rien pour le tout.
Quand je regarde avec les yeux des premiers habitants de ce pays d’ici, les premiers chrétiens évangélisateurs ont été perçus comme des «étranges étrangers» menaçants, venus d’un autre monde changer leur monde, leur culture, leur foi. Observés à tard ou à raison comme des conquérants pilleurs de leur valeur, exploiteurs de leur terre, imposant leur culture et leur religion, on cherchait à les tuer. C'est une attitude naturelle que de s’opposer à tout ce qui vient de l'extérieur. On préfère s’attacher à nos visions de la vie, nos connaissances.
C’est ce même regard que les contemporains de Jésus posèrent sur lui. Jésus était perçu comme un «étrange étranger» qui ne respectait pas leur loi, contestait la pratique de leur religion, soulevait les foules. Zélotes, sadducéens, hérodiens, pharisiens voyaient en lui une menace tant son royaume ébranlait leur petit royaume où ils étaient des maîtres absolus. Il n’était pas le Messie attendu.
Durant des siècles, les missionnaires furent des «étranges étrangers», des envahisseurs venus d’ailleurs convertir à une autre culture, un autre mode de vie que la leur. On commence à peine à sortir d’une mentalité de prosélytisme. Tout quitter implique aussi quitter sa propre culture. De tout temps l’envoyé, le disciple-missionnaire risque d’être perçu comme un «étrange étranger» même dans son propre pays tant le royaume qu’il annonce déstabilise par sa nouveauté. La bonne nouvelle est déstabilisante.
L’Église, écrivait saint Augustin, avance à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu. Une vie tranquille ne sera jamais un signe d’évangélisation. Il est de la nature même de la bonne nouvelle d’ouvrir sur des perturbations, des contestations qui conduisent au rejet, au martyr. Sans son aspect dérangeant, il manque quelque chose à la bonne nouvelle. Annoncer un ciel ouvert sur la terre ouvre à toutes sortes d’oppositions.
Le récit des Actes des apôtres est parsemé d’un combat. La bonne nouvelle dérange. Que de souffrances, que de fatigues, que de renoncements il faut pour ensemencer des terres arides, sèches, récalcitrantes. La tranquillité n’est pas le propre des évangélisateurs. Quand elle envahit l’envoyé, ce n’est pas un bon signe. Le diable aime une vie tranquille (pape François). Je suis venu mettre le feu sur la terre.
Ce matin, notre Église d’ici offre à notre regard des modèles d’une vie de disciples d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Dès les débuts de la foi, notre terre d’ici a été irriguée par le sang de premiers évangélisateurs. Leur vie est une canonisation d’une manière d’annoncer Jésus pour qui veut être sacrements de la charité du Christ. Leur vie n’a pas été prise, seulement enfouie en terre comme le grain de blé.
Il est normal qu’un grain de blé soit mis en terre. C’est là qu’il porte du fruit. Nous comprenons bien cela. Le verset suivant soulève beaucoup de questions à l’oreille profane quand il dit que pour vivre il fut perdre sa vie. Ne perdons pas de vue, en lisant cela que le texte évangélique répond à une question précédente, celle de nous voulons voir Dieu.
Dans la lecture tantôt, un petit mot a retenu mon attention : rien. Le mot est ajouté par TOB. Ce mot contient la quintessence de l’évangile. De la vie de tout envoyé. J’en ai l’assurance, rien, ni la mort ni la vie, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature, rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu.
Ce petit mot « rien», ce petit rien si plein, si court, si beau, si évocateur, si évangélique, contient tout parce qu’il résume l’élan de foi du croyant. Dans l’évangile le tout et le rien appartiennent à la même logique, celle du don de soi. Il n’y a pas de semence sans floraison. Il n’y a pas de vie de foi sans persécution. Il n’y a pas de vie missionnaire sans s’habiller de ce petit mot qui nous fait ressemblance à Jésus. Oui, en régime chrétien, tout ce qui n’est pas donné, toute vie qui n’est pas donnée, est perdu.
Détruisons-en nous ce certain nous-mêmes qui est né avec nous (Marie de l’Incarnation) et nous serons comme nos martyrs canadiens semence jetée en terre. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
https://www.diocesevalleyfield.org/fr/a-lire-pour-vivre/2008-martyrs-canadiens-jn-12-24-26