Vous êtes ici

Ajouter un commentaire

2015- Mt 5, 1-12 à quoi servent les béatitudes ?

GROUPE MARIAL DE CHÂTEAUGUAY

RENCONTRE DU 16 AVRIL 2015

CAUSERIE ET HOMÉLIE :

A QUOI SERVENT LES BÉATITUDES (Mt 5, 1-12a)

C'est l'une de ces pages où Jésus s'adresse particulièrement à ses proches, ses disciples et non à la foule. Ces huit béatitudes qui, à la fois émerveillent et révoltent, que disent-elles de Dieu? De nous ? Cette page est la peinture fidèle d'un Dieu qui est sorti de lui-même pour venir vers nous. Pour l'exprimer autrement, Jésus trace ici le chemin d'une nouvelle humanité. La sienne d'abord. Ce chemin est à l'époque de Jésus et aujourd'hui, à l'opposé d'une culture de l'indifférence aux autres. À l'opposée de l'inquiétante indifférence face à la persécution des chrétiens dans le monde.

Dans les béatitudes, Jésus ne parle pas tant de la condition humaine, les pauvres il y en aura toujours parmi vous (Mt 21,16), de la violence, des prisonniers, il y en aura toujours. Il décrit qu'il n'est pas bon que nous vivions recroquevillés sur nous-mêmes. Il y a dans les béatitudes, un appel à s'humaniser. À humaniser aussi. Désormais, mépriser l'humain, c'est mépriser Dieu qui s'est incarné. L'Évangile ne fera jamais la promotion d'une série d'interdits. Jésus n'a jamais obligé à le suivre. Il n'a jamais prononcé une parole autoritaire pour qu'on le suive. Il a fait la promotion de l'humain. (J'ouvre une parenthèse pour m'interroger sur le pourquoi d'une Église qui se fait un point d'honneur à tout condamner). 

Dans son message pascal urbi et orbi, le 5 avril dernier, le pape affirmait que les chrétiens sont à contre-courant d'un monde qui propose de s'imposer à n'importe quel coût, d'entrer en compétition, de se faire valoir.  Il ajoute, et cela rejoint le cœur même des béatitudes, les chrétiens, par la grâce du Christ mort et ressuscité, sont les germes d'une autre humanité dans laquelle nous cherchons à vivre au service les uns des autres, à ne pas être arrogants.

 Être doux, pacifique, miséricordieux, c'est être respectueux des autres.  Sur la montagne, Jésus donne une claire définition de qui il est et de qui nous sommes. Nous portons en nous les germes d'une autre humanité. Jésus  indique un chemin pour bâtir des ponts et non construire des murs entre nous. Nous sommes des êtres pour les autres. Nous devenons nous-mêmes à travers la relation à autrui (Marcel Legault). Pour entrer profondément sur ce chemin des béatitudes, il faut s'incliner, rejeter la recherche du super-moi, ce qu'on appelait autrefois l'orgueil, qui alimente les guerres et la haine alors que le chemin des béatitudes propulse le courage de la paix, de la douceur, de la compassion. Nous éloigner des béatitudes, c'est couper en nous une part de nous-mêmes. C'est nous mutiler. L'autre fait partie de nous.

Jésus est sorti de son Père pour entrer en relation humaine avec nous. Il invite maintenant ses plus proches collaborateurs à prioriser dans leur vie l'ouverture aux autres. Dans les béatitudes, Jésus montre que le point de départ du bonheur est dans une sortie de soi, un décentrage de soi vers ceux qui ont faim de pain, de justice, de miséricorde, de paix. C'est la proximité dont parle le pape François.

Ce n'est pas une loi morale que ce discours. Avec subtilité, Jésus profile son identité et la nôtre : une vie vécue pour les autres. Il élabore dans ce très beau texte, un petit traité de théologie accessible. N'appelle-t-on pas d'ailleurs ce passage, la chartre du bonheur! Le philosophe Levinas redit la même chose quand il affirme que la civilisation commence quand tu donnes la priorité à l’autre sur toi-même.

Dans les Actes des apôtres, il y a un passage qui dit bien cela quand il est écrit qu'il y a plus de joie à donner qu'à recevoir (Aa 20. 35). Quand la genèse déclare qu'il n'est pas bon que l'homme soit seul, il faut y voir une déclaration solennelle de notre identité d'être humain. Nous sommes tellement des êtres de relation que lorsque nous sommes privés de proximité, nous devenons incapables de fonctionner. Nous vivons en périphérie. Nous sommes malheureux. C'est ça le bonheur selon les béatitudes.

C'est en faisant du bien aux autres qu'on se fait du bien, qu'on s'humanise. Qu'on est heureux.  Dans un tweet, le pape François observait qu'il y a [cette] tendance à mettre au centre nos ambitions personnelles et nous-mêmes. C’est très humain, mais ce n’est pas chrétien. Nous sommes loin, ici sur la montage, de cette culture qui exalte et exulte le «je» jusqu'à l'idolâtrer. De cette culture qui favorise et exploite un regard exclusif sur soi, cette maladie pathologique de notre monde. Une sorte de trouble mental, dit le pape François, qui ajoute que cela peut produire des dommages sérieux dans nos relations aux autres. Il faut éviter, dit-il dans une belle image, le complexe de l'escargot qui s'enroule sur lui-même et perd tout contact avec l'extérieur.

La beauté de ce petit traité n'est pas dans le deuil du renoncement à la violence, à la richesse, à la guerre, à une table super abondante que Jésus exige de tout disciple, mais dans la mission de ressusciter le peuple des béatitudes. Toute proximité a pour conséquence de cesser de nous soucier de nous-mêmes et de notre bien-être (Thérèse d'Avila, Chemin de perfection, 12, 2). Ailleurs elle écrit que le Seigneur soit béni de m'avoir délivrée de moi-même (Vie 23, 1).

Les Béatitudes nous font voir et quelle beauté il y a là-dedans, le monde tel que voulu par Dieu. Un monde réconcilié par Dieu. Que c'est beau un monde réconcilié ! L'Église disait le cardinal Lustiger est composée d’hommes qui se haïssent et que Dieu met dans l’amour; l’Eglise est composée d’homme avides de possession et que Dieu rassemble dans la béatitude des pauvres; l’Eglise est composée d’hommes violents que Dieu réconcilie dans la béatitude des pacifiques; l’Eglise est composée d’hommes injustes que Dieu restaure dans sa sainteté; l'Église est composée d’hommes divisés que Dieu réunit dans la concorde. Et c’est sur cette Eglise que saint Paul invoque grâce, miséricorde et paix de par Dieu le Père et le Christ, Jésus, notre Seigneur (2 Tm 1, 2). 

Heureux.  Comment faut-il entendre heureux les persécutés en regard de ce que je viens de dire ? Cette béatitude est une convocation à être chrétiens pour vrai. Pas des chrétiens, comme le répète souvent le pape François, avec une face de piment au vinaigre, pas un chrétien maquillé, pas un chrétien immobile, pas un chrétien de salon.  Ces chrétiens-là sont des chrétiens malades. Un évêque, Gérard Ducourt, parlait de sa souffrance de rencontrer chez les pratiquants des athées pieux qui vont à la messe, aident les autres mais qui n'entretiennent aucune relation d'intimité avec Dieu. C'est le sens de votre engagement: maintenir une permanente relation à Dieu.

Le chrétien pour vrai vit avec douceur, avec bonté, avec sérénité et paix toutes les faussetés, les railleries, les croix que sa foi soulève chez les autres. Votre texte donne l'exemple de Jérémie qui se lamente des difficultés de son travail. Il n'en peut plus. Veut mourir. Nous, devant la situation de notre Église, l'indifférence face à la foi, éprouvons la même chose. Il ne s'agit pas de nous contenter de «jérémiades»  mais de faire connaître nos états d'âme. Ça aide.

Regardez Jésus. Il a passe sa vie à être mal-aimé, trahi, épié, recherché pour le faire disparaître, incompris même de ses collaborateurs. Persécuté, il a gardé le cap d'être bon, doux, pacifique. Il n'a pas élevé la voix.

Regardez Marie. Elle s'inquiétait des agissements de son Fils. Elle veut s'approcher de Jésus pour lui faire comprendre le gros bon sens. Elle reçoit une gifle, dirions-nous. Quand elle s'est fait dire: ma mère ce sont ceux qui font la volonté de mon Père,  ce fut pour elle une souffrance intolérable. Jésus l'atteint dans ce qu'il y a de plus inviolable en elle. Quand un enfant dit: tu n'es pas ma mère, cela fait mal à la mère.

En entendant cette question posée par Jésus, avons-nous soupçonné qu'il s'agit d'une question blessante, d'une question qui a dû résonner dans le cœur de Marie comme un coup de poignard ?  En présentant Jésus au Temple, le vieillard Siméon lui avait dit qu'un glaive transpercera son cœur.  Cela se confirme dans la réponse de Jésus. Le glaive de la souffrance de recevoir son Fils mort au pied de la croix, mais aussi le glaive de la Parole, ce glaive à deux tranchants de l'Apocalypse.

Marie a vécu ces paroles étonnantes de son fils dans la foi la plus  parfaite, dans une douleur qui s'ouvre sur un renouvellement  de son Fiat et avec  une pénétration plus profonde dans la mission de son Fils. Nous pouvons et devons aussi entendre cette question comme des paroles qui font souffrir Jésus, lui qui aimait sa mère, précise Adrienne Van Speyr. Marie a gardé le cap d'être une mère heureuse. Sereine. Douce. Pacifique.

Cette réaction de Jésus à l'endroit de sa mère lance un message à tous les engagés à sa suite. Coopérer à la mission de Jésus sera toujours fruit du renoncement à nos chers « moi ».  Sachons toutefois que personne n'a autant renoncé à elle-même que Marie. Elle a laissé toute la place à Dieu. Elle s'est effacée totalement.

Toute sa vie, Marie a vécu oubliée, donnée, souffrante, obéissante, transpercée par un glaive. Elle a vécu a fond ce signe de contradiction que sera Jésus et que lui annonçait au temple le vieillard Siméon, signe qui s'est poursuivi sur la route de l'exil jusqu'au pied de la Croix.

Je termine par cette question: à quoi sert un chrétien ? Dégager le parfum d'une vie béatitude. AMEN.

 

 

 

 

Évangile: 
Autres: 
Date: 
Mercredi, 1 avril, 2015

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.