2009 -A - Mc 9, 33-37 -Funérailles d'une religieuse contemplative-- choisie pour servir en sa présence
Homélie A l’occasion des funérailles d’une religieuse contemplative :
Marc 9, 33-37 : CHOISIE POUR SERVIR EN SA PRÉSENCE :
À la veille de sa Passion, Jésus a légué en actes et en vérité deux gestes qu’Il a explicitement demandé à ses disciples de « faire » au sens fort du mot : l’un à son exemple, «Je vous ai donné l’exemple». C’est celui du lavement des pieds, le service par en bas ; l’autre en mémoire de lui, «Faites cela en mémoire de moi ». C’est celui de l’eucharistie, le service par en haut.
Ces deux gestes photographient tout l’itinéraire de Sœur Marguerite qui a été une fidèle exécutrice testamentaire de Jésus. Elle fit sienne ces deux manières de vivre : la grâce du travail et celle de se reposer en lui. Impossible de vivre ensemble, formant communauté, sans ce service bas en bas. Devant un conflit potentiel qui surgissait parmi ses disciples voulant s’assurer d’un plan de carrière, Jésus, nous venons de l’entendre dans l’Évangile, donne comme réponse l’image, l’icône d’un enfant. Qui est le plus grand ? C’est, celle dont la vie est sans pouvoir sur les autres, dont le moi, ce moi humain si prioritaire aujourd’hui, réussit pour citer Zundel, à décoller de lui-même. Le plus grand, c’est celui, celle qui accepte d’être dépourvu de tout, vulnérable.
Rendre service, huit heures par jours durant plus de 76 ans, poser de ces petits services de rien, se soucier de l’autre, s’abaisser, s’agenouiller comme Jésus, ce bon samaritain pour donner sans hésiter son temps aux autres fut sa règle de vie. Paraphrasant François, elle a pris soin des « sœurs » que le Seigneur lui a données. Elle fut vraiment dans sa manière de vivre une petite plante pour citer le testament de Claire d’assise. Cette vraie amoureuse de cet exemple que je vous ai donné, ce service par en bas, s’est transformée pour elle un chemin salutaire pour devenir imitation de Jésus (Testc5). Sa mort, et je reprends ces mots étonnants d’un enfant- seul un enfant, l’enfant de l’Évangile que Jésus place au milieu de nous, peut donner cette réponse étonnante – et que Sœur Marguerite vient de signer de sa vie : la mort, c’est la vie que l'on donne après avoir tout donné. Quand nous quittons cette terre, il ne reste que ce que nous avons donné.
Sœur Marguerite a aussi passé toute sa vie – plus de huit heures par jour- à faire mémoire de Jésus, l’autre face testamentaire de Jésus. Chaque jour, elle a ruminé sa parole, mangé le livre de la Parole. Chaque jour, elle a opté pour le chemin que François a choisi : Le Christ pauvre. Elle a été habitée, saisie par un Christ bon, le très beau et grand Jésus, un Christ sagesse, humilité, patience, beauté. Tellement entrée dans la Parole, tellement dans la Parole de Dieu, tellement dans le Christ pauvre, qu’elle est devenu demeure de Dieu, son Temple vivant. Celui qui m’aime, je demeure en lui et lui en moi. C’est par et dans une vie pauvre, une vie dont son moi était celui de Dieu - que ta volonté soit faite- qu’elle contribua à réaliser la demande de Dieu à François : va, reconstruit mon Église. Sa vie fut un hymne à la Création. Un Magnificat de joie pour son Grand et beau Dieu.
Sa contemplation l’a amené à se laisser jour après jour transformer en Jésus. Elle peut signer de sa vie ces mots qu’écrivait une mère de famille, Jeanne Schmitz-Rouly (191-1979) dans son journal spirituel : pour moi, c’est quand je n’existe plus que j’existe. Paul affirmait : Ce n’est plus moi qui vit mais le Christ qui vit en moi (Ph1,21). Un tel chemin requiert une totale expropriation, désapprobation de nous-mêmes. Vivre ce service de faire mémoire, ce service par en haut, a permis à Sœur Marguerite – et je cite Benoît XV1 – de se comprendre elle-même dans le Christ.
Ce service par en bas et celui du service par en haut s’est transformé ses dernières par une vie offrande, en une vie offrande de sa souffrance de plus en plus pénétrante. Dieu voulait pour citer Marie de la Trinité qu’elle termine sa vie dans son sacerdoce.
Nous sommes ici maintenant pour lui offrir « le salut par en haut » qu’est cette célébration. Ce «salut» qu’elle a tellement goûté, recherché et longuement ruminé. Nous sommes ici pour faire mémoire, pour faire eucharistie pour nous réjouir de Dieu, de ce que Dieu, par grâce, a fait en elle et d’elle. Dieu lui offre maintenant d’allonger sa vie en la faisant entrer dans la sienne (Dom Villerant) Il lui offre de Le voir non plus dans le miroir de la foi mais dans un face-à-face dont la beauté est inexprimable en des mots humais. Pour citer les vêpres de Noel, aujourd’hui dans cette mort est semée la vie. Cette vie qui n’est pas détruite mais transformée (Préface).
Nous sommes ici autour d’une espèce de vie nouvelle disait un Père de l’Église, nous sommes ici pour entendre le beau et grand Dieu lui chanter son Magnificat pour la joie qu’il a, qu’il ressent dans son cœur de Père. Magnificat qui rend hommage à son humble servante. Magnificat parce qu’elle fut une amie de Dieu et que cela la comblait.
Une vie de radicalité évangélique s’achève. Parce qu’elle a dit OUI, parce qu’elle a accompli le plan de Dieu sur elle, Sœur Marguerite arrive à « la lumière, à l’Amour, à la Vie (Élisabeth de la trinité) ». Une Eucharistie sans fin s’ouvre maintenant pour elle. Elle nous confie cette tâche de devenir les exécuteurs testamentaires de Jésus. Ajoute un couvert à ta table qu’elle était ton ami. AMEN.