2025-C- Jeudi saint : (Jn 13, 1-15)
Regardons cette soirée avec les yeux de Jésus.
Pour Jésus cette soirée, c’est plus qu’une soirée mémoire. C’est plus qu’une soirée d’amitié avec ses disciples. C’est une soirée livré pour nous. Se LIVRER, c’est plus que de se dévouer, plus que de se donner, plus que de s’abandonner à Dieu. SE LIVRER, c’est mourir à tout et à soi-même, ne plus s’occuper du moi[1]. Livré pour nous veut dire que cette personne ne priorités pas ses besoins, qu’elle vit pour les autres. Si quelqu’un veut être grand, il doit servir les autres, pas se servir lui-même (Mc 9,34).
Au centre de l’Évangile, il y a un moment de pur don : Pâques. Au centre de Pâques, il y a un geste mémoire pour nous souvenir, pour ne pas oublier (Dt 8,2-14) cette heure de notre rédemption ; geste mémorial pour souligner à travers les âges, sa Pâque. Geste où Jésus a tout concentré le mystère de sa vie. Au centre de l’action de Jésus, il y a des gestes-mystères, des mots-mystères, des mots qui ont le pouvoir de transformer : ceci est mon corps. Jetons sur ces mots un regard qui sauve, qui transfigure, qui transforme.
Je voudrais, dit Pierre Emmanuel, aimer si profondément ces mots qu’ils deviennent prière. Faute de les ruminer, de les brouter, de les laisser parler, de les laisser dire plus qu'ils ne savent, plus qu'ils ne peuvent, nous avons perdu le sens de ces mots. Ceci est mon corps. Ces mots nous font contempler le commencement d’une vie qui a changé l’histoire de l’humanité. Il faut aimer ces mots jusqu'à ce qu'ils deviennent prière. Nous sommes tellement habitués à les entendre que nous avons beau regarder et ne voyons plus rien (Isaïe).
Jésus n’avait qu’un seul mode de vie : se vider. Il s’est vidé de sa gloire jusqu’à la mort de la Croix. Il s’est vidé en s’agenouillant devant nous, en descendant au plus bas dans nos enfers, prenant la place la plus ignoble. Personne ne réussira à s’abaisser comme Lui (Charles de Foucault). Entre nos mains, Jésus remet sa vie. Ô mon peuple que j’ai-je fait ?
Toutes les religions sans exception nous apprennent à se mettre à genoux devant Dieu. Ce soir, c’est Dieu qui se met à genoux devant nous. Nous sommes devant un mystère incroyable qui nous révèle la dignité extraordinaire dont nous sommes revêtus par Dieu lui-même. Jésus se met à genoux devant Judas qui va le trahir, devant Pierre qui va le renier, et devant tous les autres qui vont l’abandonner. Devant son Église qui a préféré de se tenir dans les hauteurs du pouvoir.
Nous avons perdu le sens de cet abaissement. Jésus ne nous regarde pas de haut. Son regard nous élève et renverse complètement la logique de la dignité qui se trouve dans les vies des plus mal en point. Vous m’appelez Maître et Seigneur… je le suis. Si moi, votre Seigneur et votre Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
Soyez ce que vous voyez. Recevez ce que vous êtes (Augustin). L’eucharistie nous fait participants de cet abaissement. Il faut coller nos oreilles à ces mots comme les Indiens collaient leurs oreilles sur le sol pour entendre le bruit des pas qui au loin venaient vers eux. Jésus nous a laissé l’eucharistie pour que nous ne soyons ni stériles ni ingrats (Saint Irénée).
Mon invitation ce soir : Maintenant, j'ai tout ! Maintenant, j'ai tout On rapporte que Marie du Crucifix, première arabe béatifiée, quand elle recevait ce pain de vie, on devait la retenir parce que physiquement elle s’élevait vers le ciel. Voir Jésus, c’est le voir dans son abaissement. Portons sur notre rencontre ce soit des yeux de Pâques, capables de voir que le service est la valeur suprême de toute vie. AMEN
[1] Ste Thérèse Courderc, fondatrice du Cénacle.
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