Année B- dimanche de la 31e semaine ORDINAIRE (litbo31d.24)
Mc 12, 28-34- aimer un mot dangereux.
Observons que le mot aimer est écrit au futur. Tu aimeras. Il exprime un projet de vie, jamais totalement réalisé. Mère Teresa a écrit dans son testament qu’il faut retenir une seule chose de sa vie. « J’ai soif ». Pour elle, cette parole [est] beaucoup plus profonde que si Jésus avait simplement dit « je vous aime ». Tant que vous ne saurez pas, de façon très intime, que Jésus a soif de vous, il vous sera impossible de savoir ce qu’il veut être pour vous ; ni ce qu’il veut que vous soyez pour lui ».
J’ignore si cela vous étonne, il est très rare dans mes réflexions du dimanche que j’utilise le mot aimer. S’il y a des lois qui existent contre la fraude, aucune n’existe contre la falsification du mot aimer. Aucun mot, dans notre société comme dans l’Église, est autant défiguré que le mot aimer. Le plus souffrant est que ce mot est souvent entendu dans un sens égoïste. Il signifie mes préférences au détriment des autres. Aux dépends des autres.
Si nous y portons attention, ce mot exprime comment chacun recherche d’abord son bien personnel au dépend des autres. Son utilisation cache un moi égoïste. Il n’a plus la saveur qu’il avait dans la bouche de Jésus pour qui ce mot est dangereux. Mot dangereux parce que pour Jésus, aimer exige au préalable d’avoir tué l’orgueil en nous. D’avoir refusé de se prioriser.
C’est frauduleux de prêcher cette page si elle ne conduit pas à affirmer une complète désappropriation de soi-même. C’est plus facile à dire qu’il faut nous aimer, c’est moins facile de le faire. Discourir sur l’amour sans en vivre c’est comme bâtir nos vies sur du sable mouvant. Le vent viendra, les discordes surgiront et toutes nos belles paroles s’envoleront.
La grande méprise est de rabaisser ce texte au niveau d’un code, d’un commandement. Ce sont des paroles libératrices. Ce n’est pas un commandement que Jésus nous offre, c’est une parole libératrice de notre ego. Graham Green a cette expression qui ramasse tout ce que Jésus a vécu avant de nous donner ce commandement : aimer, c’est nous protéger contre nous-mêmes. C’est devenir le gardien de l’autre qui est mon semblable. La question du début de la Genèse est d’une grande actualité : qu’as-tu fait de ton frère ?
Le petite Thérèse de Lisieux a bien compris que pour elle en aimant Jésus notre cœur s’agrandit. À la fin de son roman, le curé de Campagne, Georges Bernanos a des mots qui m’interpellent beaucoup. Me dérangent beaucoup. Si ton orgueil était mort en toi (…) tu pourrais aimer comme Jésus. Aimer selon l’Évangile, c’est accepter d’être blessé, même d’être tué. Mais si je n’aime pas, je suis déjà mort.
Je vous offre en terminant une prière du cardinal Stefan Wyszynki (1901-1981) qui a lutté toute sa vie contre le régime communiste et qui montre ce qu’est aimé.
Pour vous maintenant, je vous offre le plus bel acte d’Amour qui soit. Je me fais eucharistie. Je vous donne le paradis (Padre Pio). Amen.
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