CELEBRATION DE LA PAROLE AU SALON :
Jean 14, 1-12
ACCUEIL :
Nous sommes ici pour célébrer une vie, celle d’Yvon, permettez-moi de l’exprimer par un mot à la mode aujourd’hui, d’une vie recyclée. La foi chrétienne parle d’une espèce de vie nouvelle. Quand survient la mort d’un proche, nous disons souvent : on n’a pas le choix, il faut continuer à vivre. Vivre dans les cœurs de ceux et celles que nous laissons derrière nous, écrivait Thomas Campbell, ce n’est ne pas mourir. C’est vivre discrètement. C’est autrement être présent. C’est plus qu’une croyance. C’est plus qu’une déclaration de foi. C’est une reconnaissance que la vie n’est pas tuable.
Observons, regardons bien. Dans l’univers rien ne disparait dans le néant. Tout est, pour ainsi dire, « recyclé » « recyclable » ; tout devient début et principe de nouveaux surgissements de vie. Rien n’existe pour rien. Nous sommes des interconnectés à la terre, à l’environnement, à une autre vie. Dieu fera toutes choses nouvelles (Ap 21, 5) à partir de notre propre vie. Que c’est beau à entendre !
Devant cette vie « recyclable », « recyclée », des questions nombreuses sont posées : comment est-ce possible d’annoncer un tel avenir à des gens qui semblent ne rechercher que leur bien-être immédiat ? À ceux qui vivent sans autre lendemain que d’être rivés à leur cellulaire et textos ?
Cette saison de l’automne nous fait admirer que la tombée des feuilles est source d’une vie nouvelle. Les feux de forêt, pour ne donner qu’un exemple, engendrent une grande vitalité. Radio-Canada rapportait que les feux de forêt font courir les chercheurs venant du monde entier, à la recherche de morilles de feu[1], ces petits trésors sans prix (les champignons) qui naissent sous la cendre.
Toute vie est source et principe d’une autre vie « recyclée », nouvelle. En naissant, le nouveau-né meurt à sa vie d’être aquatique. Il s’approprie un statut d’être humain. En respirant le même air que nous, il devient pleinement des nôtres. Vu sous cet angle, la vie n’est pas détruite, elle est transformée.
Je pose une question. Une question qui va vous étonner. Une question pourtant à ne jamais oublier. Qu’est-ce qui ne meurt pas ? Écoutez bien ma réponse. Ma réponse de croyant. Elle peut vous faire sourire. Ce qui ne meurt pas, c’est la vie. Toute vie est une marche vers un ailleurs.
Faisons silence. Entrons-en nous-mêmes. Allons au-delà de l’apparence. Portons sur ces cendres des yeux de Pâques. Laissons surgir en nous des paroles de feu : L’homme est l’unique créature libre de dire oui ou non à l’éternité[2]. Parole de feu : Nous célébrons la fin d’un moi sur la terre et le début d’un moi déployé[3]. Parole de feu : ce jour nous permet de respirer un autre jour que l’on devine. Parole de feu de Doris Lussier devant la mort de son fils : Un être humain qui s’éteint, ce n’est pas un mortel qui finit, c’est un immortel qui commence. Parole de feu : je suis la résurrection et la vie, qui croit en moi ne mourra jamais.
MUSIQUE :
RÉFLEXION :
Ne pas mourir, c’est impossible, mais bien vivre c’est possible. Mener une vie qui fait sens, c’est possible. Maurice Zundel, ce grand mystique du siècle dernier, affirmait que le vrai problème n'est pas de savoir si nous vivrons après les morts, mais si nous serons vivants avant la mort.
Les brèves rencontres que j’ai eues avec Yvon alors qu’il visitait sa sœur Gisèle me font affirmer qu’il était vivant avant sa mort. Il menait une vie qui faisait sens. Il prenait soin des autres. Un jeune de 15 ans, mort d’une leucémie féroce, récemment béatifié, Carlos Acutis disait : je prends soin de Jésus dans les autres. La manière d’Yvon de prendre soin des autres était de trouver des solutions à toutes les situations. Gisèle faisait souvent appel à lui.
Ce qui fait la grandeur d’une vie, ce n’est pas nécessairement la grandeur et la visibilité des actions posées ; c’est la générosité, la profondeur de l’attention aux autres dans des gestes souvent invisibles. La tristesse que vous vivez, le deuil qui habite vos personnes, fait remonter en vos mémoires tous ces petits gestes d’entraide, de compassion. Vous vivez une distanciation physique, mais un regard plus en profondeur vous fait ressentir la joie de son grand cœur.
Celui qui vous rassemble vous offre à contempler, c’est-à-dire à regarder au-delà du visible, une vie qui malgré ses rendez-vous réguliers aux hôpitaux, malgré ses failles très humaines, ses maladresses, dégageaient sérénité, joie de vivre et empressement à s’occuper d’autrui tout en prenant soin de sa santé ou du peu qu’il lui en restait. Prendre soin des autres, aider les autres même dans des petits gestes ordinaires est une manière de s’occuper de Dieu. Une manière a-t-on écrit, de danser avec Dieu (Richard Rohr), d’exprimer notre foi en Lui. Plus nous agissons en humain, plus nous ressemblons à Jésus de Nazareth.
On me dit qu’Yvon avait plaisir à faire plaisir. Ce plaisir à faire plaisir, sa joie d’ajouter de la vie à la vie des autres, montre un chemin d’humanisme. La profondeur de la santé mentale qu’aucune maladie comme le cancer ne peut altérer est là où le plaisir de faire plaisir existe.
Pour vous, je prononce ces mots de Félix Leclerc : Il y a plein de vie là-dedans. Gilles Vigneault à l’aurore de ces 90 ans déclarait : Je crois à l’âme. Ça n’a pas nui à mon corps jusqu’à maintenant. Je crois qu’on a quelque chose qui nous survit, après. Le marxiste Roger Garaudy disait : si la mort n’existait pas, il nous serait impossible de choisir de faire le don de sa vie. Yvon vient de vous donner ce qu’il restait à vous donner : sa vie.
Je termine en vous proposant des mots mystères que je ne vous impose pas, mais que je dépose dans vos mémoires. Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais (Jn 11, 26). Je sais que mon rédempteur est vivant. Je le verrai, moi en personne, et si mes yeux le regardent, il ne sera plus un étranger (Jb 19,25.27). Rien ne peut nous séparer de l’Amour de Dieu (Rm 8, 38). Lorsque prendra fin notre pèlerinage sur la terre, accueille-nous dans la demeure où nous vivrons près de toi pour toujours.
Mais devant ces mots-mystères, ces mots de foi, Gilles Vigneault ajoutait rien n’est plus sûre que le doute. On m'a dit que le doute, chante Fred Pellerin, c'est le bon Dieu qui clignote. Ma foi est fébrile comme une chandelle, mais c’est dans la pénombre que la lumière est belle. Et il termine par ces mots : j’apprends à me tenir debout… dans la pénombre.
MUSIQUE ET BÉNÉDICTION DES CENDRES
[2] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2007/documents/hf_ben-xvi_hom_20071201_vespri-avvento.html
[3] Marcia Pilote, À la vie, à la mort, éd. Libre expression, 2017, 200 pages.
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