Année C : samedi de la 30e semaine ORDINAIRE (litco30s.22)
Lc 14, 1.7-11 ; Ph 1, 18b-26 : monte en descendant.
Cette page est une véritable sonnette d’alarme. Elle avertit qu’il y a risque de se tromper de chemin. Trop souvent, nous donnons de l’importance à quelqu’un à partir de la place qu’il occupe. Jésus n’est pas de cet avis. À ses yeux, ce n’est pas la fonction qui donne de la valeur à quelqu’un. La sonnette d’alarme fait entendre que ce n’est pas la fonction qui donne de l’importance. Jésus s’oppose à l’esprit de la mondanité dominée par la recherche de la puissance comme l’atteste la présente guerre en Ukraine. Il présente un autre chemin.
Déjà dans le livre de Ben Sira le Sage, l’auteur avait fait entendre cette sonnette d’alarme. Plus tu es grand, plus tu dois t'humilier ; ainsi tu trouveras grâce aux yeux du Seigneur. Aux humbles, Dieu révèle ses secrets et par les humbles il est glorifié (cf. Si 3, 19-20). Marie fait sienne ce chemin dans son Magnificat. Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles (cf. Lc 1, 52). Paul invite les Romains à ne pas aspirer à ce qui est élevé, mais à se laisser attirer par ce qui est humble (cf. Rm. 12,16).
Cette parabole des invités aux noces renferme la révolution copernicienne de Jésus. Elle est comme un tremblement de terre, un renversement radical des rapports sociaux par l’émancipation des plus petits. Révolution copernicienne : la valeur de quelqu’un ne repose pas sur son statut social. La dernière place dénuée de sens aux yeux de la mondanité exprime tout l’évangile.
Mais il y a un piège dans cette recherche de la dernière place. Ça peut être un calcul hypocrite : se mettre le dernier pour se faire remarquer et se voir proposer une meilleure place. Elle peut servir nos intérêts quand on l’utilise pour recevoir l’invitation à monter plus haut. C’est faire fausse route. Toute pratique de l’évangile peut cacher subtilement une satisfaction de nos besoins de bien paraître, le désir inconscient d’être bien vu, bien en vue, de recevoir de la reconnaissance ou que sais-je encore.
Par son insistance plusieurs fois répétée, le pédagogue Jésus nous détourne de nous-mêmes. Par son image forte, Jésus questionne notre tendance pathologique de nous mettre en avant, même inconsciemment. Il rend ses disciples conscients des exigences à le suivre. Il ne propose pas une joie à bon marché, ne veut pas des disciples idolâtres du succès qui pourraient le suivre inconsciemment pour des raisons mondaines du pouvoir, du désir d’être au centre, d’y trouver ses propres intérêts.
Citant le pape Jean-Paul 1er, le pape François disait lors de l’homélie de sa béatification : si tu veux embrasser Jésus, tu te feras piquer par sa couronne d’épines[1]. La dernière place n’est pas une leçon de savoir-vivre. Elle trace un carriérisme nouveau genre, lui qui s’enfuit quand on veut le faire roi (cf. Jn 6,15), venu pour servir et non pour être servi (cf. Mt 20,28). C’est sur ce pilier solide qu’aucun glissement de terrain n’emportera que Jésus propose de construire toute vie.
Le message est simple. Le vivre est plus compliqué. Nous sommes tous égaux. Nous n’avons pas besoin de grimper ou de réussir parce qu’il n’y a rien de « là-haut » qui ne soit pas « ici ». Nous n’avons pas besoin de vivre de manière compétitive. Nous sommes essentiellement connectés les uns aux autres.
En ouverture du livre de la Genèse, l’auteur observe que nous agissons souvent comme des dieux (cf. Gn 3, 5). Jésus nous invite à essayer d’être comme Lui. Bonaventure disait qu’il sait tellement courbé, qu’il ne fut pas reconnu.
À votre contemplation. Le bienheureux Jean-Paul 1er terminait ainsi sa première des quatre audiences : Le Seigneur a beaucoup recommandé : soyez humbles. Même si vous avez accompli de grandes choses, dites : nous sommes des serviteurs inutiles [2]. Demandons-nous si dans notre manière de vivre, dans la profondeur de nos cœurs, nous sommes des images visibles de son incarnation. AMEN.
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