Année C : samedi de la 22e semaine ORDINAIRE (litco22s.22)
Lc 6, 1-5 : la philosophie de Jésus.
J’ouvre cette réflexion par un slogan que nous entendrons souvent durant cette période électorale : changeons d’ère. Voilà ce que fut Jésus. Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé (Cf. Lc 12, 49). Jésus est une flamme puissante qui agit comme un feu dévorant (Dt 4, 24 ; He 12, 29). L’évangéliste Jean préfère, lui, le regarder comme une braise, celle près du lac de Galilée (Cf. Jn 21, 9-14) qui réchauffe les cœurs.
Cette attitude de Jésus, exprimant à la fois son courage de se tenir debout devant l’idéologie prioritaire de l’époque et sa douceur devant le comportement dérangeant de ses disciples, conteste notre attitude actuelle devant tant d’oppositions à favoriser différents chemins de pratique de la foi. Savons-nous faire goûter avec tendresse et compassion le style de Jésus ?
Jésus prend ses distances devant les défenseurs zélés de la loi. Il passe du registre de l’acte extérieur à l’intention qui anime les profondeurs du cœur humain. Le problème n’est plus au niveau de l’action, mais au niveau du cœur. Ce qui l’intéresse, c’est la promotion d’un monde plus humain, plus solidaire, plus juste.
Cette attitude non-punitive de Jésus envers ses disciples affamés, Jésus l’avait annoncé dans sa première prise de parole dans le temple. L’esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle, pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour publier une année de grâce du Seigneur (Cf. Lc 4,18-19).
Ce passage de Jésus, intervenant un jour de sabbat, dicte la philosophie de Jésus qui s’adresse à toute l’humanité. Jésus présente aux grands-prêtres de tous les temps, aux leaders autocratiques ou populistes qui imposent de penser comme eux, ce qui sera sa feuille de route. Son style pastoral. En ne reprochant pas à ses disciples d’apaiser leur faim, Jésus dépasse radicalement ce qui est permis ou pas. Il relativise toutes les normes de pureté et de jeûne.
Toute sa vie, Jésus fut homme de compassion. La parabole du samaritain, aidant un jour de sabbat un étranger, parle très fort aux yeux des humains aujourd’hui. Pour Jésus, l’institution la plus vénérable ne peut l’emporter sur le grand commandement de l’amour. Toutes les fois que vous avez fait ces choses (nourrir, soulager, accompagner les victimes de la vie), c’est Dieu que vous imitez (cf. Mt 25,35-41). Jésus refuse d’être un représentant de l’ordre et de la loi. Il agit en s’inspirant de ses moments privilégiés avec le Père. Paul mentionne que ça lui a coûté cher.
Il déteste les frontières, tout ce qui sépare et divise. Il n’y a plus ni Juif ni Grec (Cf. Gal 3,28). Jésus n’est pas un nouveau pharaon tout-puissant venu écraser le peuple. Il ne fut que relation. Ce qui fut central dans sa vie fut d’humaniser un monde déshumanisé, de favoriser l’humain.
Le théologien José Maria Castillo observe que Jésus a eu durant sa vie trois préoccupations majeures : la santé humaine, la nourriture partagée, les relations humaines. Ces préoccupations sont si fortes, qu’il les fait passer avant les règles imposées par les docteurs la loi, l'autorité des grands-prêtres. Le théologien observe qu’aujourd’hui, nous sommes plus fidèles au rituel qu’à l’évangile.
Changeons d’ère. Retrouvons ce qui fait vivre Jésus, ce qu’il a fait, ce qu’il a dit, ce qui l’intéressait, le préoccupait. Priorisons sa mémoire dangereuse, résumée et recueillie dans les quatre recueils de courtes histoires que sont les évangiles.
À votre contemplation, cette déclaration du prophète Jérémie, expérimentée par Jésus : les dépositaires de la loi ne m’ont pas reconnu (cf. Jer 2, 7). Citant Thomas d’Aquin, le pape demandait aux nouveaux cardinaux d’avoir de grands horizons et une grande envie de grandes choses. Cela devrait animer tous les croyants. AMEN.
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