Année B- mercredi de la 31e semaine ordinaire (litbo31me.21) 3 nov.
Lc 14, 25-33 ; Rm 13, 8-10 : jeûner de soi-même.
Qui peut comprendre les chemins du Seigneur (Sg 9, 13) ? Qui peut comprendre que chercher ses intérêts n’est pas le chemin du Seigneur ? Le message entendu dans ce passage est simple, facile à comprendre, mais difficile à vivre. Nous sommes des humains incomplets quand tout tourne autour de notre « moi ». S’enfermer sur soi-même signifie goûter au venin amer de l’immanence, et en tout choix égoïste que nous faisons, l’humanité aura le dessous (Cf. EG n.77).
Souvent, nous nous retrouvons comme le jeune homme riche qui accomplit toute la loi. Pourtant il refuse l’invitation de Jésus à vivre la théologie du démaquillage plutôt que de favoriser la théologie du maquillage (pape aux évêques en Slovaquie). Nous sommes faits pour partager notre pain plutôt que de l’amasser dans nos greniers. L’écriture invite non à accumuler, mais à partager.
Pour nous dire cela, Jésus nous parle d’un Samaritain, plein de générosité, plein de charité. Il nous présente le centurion qui a délaissé son autorité de commandant en chef de l’armée jusqu’à quémander la vie pour son esclave. Il louange son cousin Jean-Baptiste qui décroît à vue d’œil quand son message croît. C’est dans l’effacement de soi que l’on peut, par empathie, percevoir la réalité de l’autre. Paul dit la même chose aux Romains en les appelant à vivre d’une manière plus parfaite, de pratiquer un culte vivant (Rm 12,1) pour éviter de résonner comme une cymbale retentissante. Il appelle à un développement durable de l’humain fondé sur le socle de l’amour sans lequel toute entreprise humaine, sociale, religieuse, est vide et stérile.
Suivre Jésus n’est pas une mince affaire qui ne coûte rien. Ce n’est pas voyager en croisière de luxe. Il faut réfléchir, évaluer les choix, s’asseoir et examiner si j’ai les armes nécessaires pour affronter un adversaire rompu à l’art de vaincre l’appel à tout quitter. Jésus appelle à ne pas vivre dans l’horizon fermé de son moi. Quand il invite à être ses disciples, il prend plus de soin à nous « dépouiller » qu’à de nous « vêtir » (pape François).
Quitter est un chemin qui se fait en marchant, qui exige une incessante marche, qui tient en exode vers la rencontre d’un souffle de vie qui se cache sous l’appel de Jésus. Va. Quitte ton pays, ta parenté, la maison de ton père. Va pour toi, vers toi-même, vers le lieu que je te montrerai (Gn 12, 1). Il ne s’agit pas seulement de biens matériels, pas seulement nos proches, pas seulement nos manières de faire, pas seulement nos croyances du passé ou nos prétentions d’avoir la meilleure réponse. Il s’agit de n’avoir rien d’autre en mémoire que Dieu (Jean de la Croix).
Jésus se retourne, dit le texte. Dans ce " retournement ", il y a toute la passion de Jésus qui ne cesse de " se retourner " pour nous voir renoncer à nos manières de penser et de s'exprimer qui parlent depuis le Moyen-Âge (Gabriel Marc) pour trouver de nouveaux « alphabets » pour annoncer la foi (Pape François aux évêques à Budapest 2021). Il se retourne pour nous éviter en regardant en arrière de devenir une statue de sel (Cf. Gn19,26) qui symbolise l’immobilisme qui nous guette. C’est ce dont nous souffrons aujourd’hui dans l’Église : l’idéologie du retour en arrière (Pape 21 sept.2021).
Ne comprenons pas cet appel à nous détacher de nos attachements comme un interdit d’être heureux. C’est une sortie glorieuse, une sortie de soi pour une joie plus grande, celle de faire du bien. Quelqu’un m’exprimait sa fatigue de n’être sans cesse préoccupée que d’elle-même. Jésus offre une aventure spirituelle faite de dépouillement, de lâcher-prise pour que résonne en nous le plaisir d’écouter la voix du Seigneur et mieux discerner le Souffle qui cherche à se dire.
Je conclus : c’est une grande chose que de tout quitter. Mais ce qui est plus grand encore, c’est de vivre de la vie même de Jésus, celle d’aimer comme Jésus. AMEN
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