Année B : samedi de la 2e semaine de Pâques (Litbp02s.18)
Jean 6, 16-21 : un Jésus «dévissé» de son prie-Dieu
La question n’est pas de savoir qui est ce Jésus qui marche et affronte des vents contraires. La question est plutôt de se demander où trouver Jésus. Réponse : au milieu de la mer agitée des cœurs. Jésus choisit de rejoindre ceux qui affrontent des tempêtes. Son souci pour l’humain est incompréhensible, même s’il y risque sa vie. Ce ne fut pas une erreur s’il est mis à mort. C’est parce qu’il est dangereux. Jésus se sait dangereux. N’est-ce pas le sens de sa réponse sur la mer : n’ayez pas peur, c’est moi. Son sermon sur la montagne est de cet ordre quand il invite à être pauvres, pacifiques, miséricordieux. N’ayez pas peur de ce chemin de bonheur.
Que comprendre de cette marche ? Jésus ne fait pas l’autruche. Il ne se cache pas la tête dans le sable. Il ne prétend pas que tout va pour le mieux dans son équipe. Il soupçonne que des tempêtes intérieures grondent, que des zones d’ombre inavouées dans le cœur des disciples rendent leur vie houleuse. Elle est taraudée de nombreuses questions sur son identité.
Pour leur dire qui il est, pour leur exprimer sa compréhension, son souci de les voir perturbés par tant de questions, pour leur prouver que leur tempête ne remet pas en question son choix sur eux, pour les sortir de leur tombeau paralysant même si extérieurement ils se réjouissent d’avoir un tel maître (où irions-nous sans toi ? Jn 6, 68), Jésus va vers eux. Il affronte leur tempête.
La vie de Jésus se déroule sur une mer agitée. Sa priorité est de rejoindre les personnes qui vivent toutes sortes d’intempéries, qui semblent perdues et qui risquent le découragement, le désespoir alors que les vents contraires sont démesurés. À l’observer, il se soucie plus des autres que de sauver la religion ou sa peau. Cette option est une véritable menace à l’ordre religieux et politique. N’est-il pas venu pour calmer les tempêtes ? Pour apporter un peu de baume aux personnes abattues par des bourrasques de toutes sortes ?
Cette marche profile un Jésus dévissé (Vasse, Denis, Le temps du désir, Éd. Seuil, 1997) de son prie-Dieu dans le temple ; un Jésus sorti de sa chapelle prenant tous les risques ; un Jésus refusant de se retirer dans une station balnéaire pour profiter de la vie ; un Jésus passionné pour les humains plutôt que passionné à préserver une religion beaucoup trop restrictive à ses yeux ; un Jésus descendu dans nos enfers pour nous y retirer. Cette marche est l’une de ces subversions les plus radicales qui attestent son option à se tenir dévissé du temple pour s’arrimer aux tempêtes. Il a perdu la tête (Mc 3, 20-21), disaient ses proches.
Jésus ne se rencontre pas seulement dans des oasis de prière, de tranquillité ou chez les priants. Il se manifeste accompagnant les cœurs agités, affrontant toutes sortes d’intempéries. Les peurs extérieures sont souvent un manque de vie intérieure. Sa marche sur la mer renvoie les disciples vers leur cœur profond. Leur plus-être. Qui est Jésus pour eux ? Un fantôme ? Qui est celui qui met sa vie en danger pour venir vers eux ? Cette marche est une déclaration d’amour à l’endroit de ses disciples. Elle confronte de front les tenants pour qui seule une vie dans les eaux limpides permet de trouver Jésus.
Jésus honore son Père et réalise son projet et sa volonté; il priorise ainsi l’humain qui vaut plus cher que toutes les idées, écrivait l’auteur Pietro De Paoli dans Lettres à un jeune prêtre.
À votre contemplation : notre première passion est l’appel de l’évangile à nous tenir aux frontières de toutes les tempêtes. Le sommes-nous ? Cette marche ouvre sur un chemin abrupt et incertain, un chemin éloigné d’une assurance d’une vie paisible.
Hier, cette marche était subversive, elle le demeure aujourd’hui pour qui opte pour le tournant missionnaire. Notre foi en Jésus ne se joue pas à travers des rites, mais plutôt à ras de terre, au milieu de toutes les tempêtes. Ne fermons pas notre cœur aux appels des cœurs esclaves de toutes sortes d’attachements. Allons à leur rencontre. AMEN.
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