2018-Lc 16, 9-15 -samedi 31e semaine ordinaire- nous rassasier de quoi?
Année B : samedi de la 31e semaine ordinaire (litbo31s.18) 10 nov.
Lc 16, 9-15 ; Ph 4,10-19 : qui est vorace n’est jamais rassasié
Paul écrit aux Philippiens qu’ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux (Ph 3, 20-21). Paul reconnaît qu’en tout humain, se vit un combat : adhérer aux choses d’en bas, toujours périssables, ou choisir le non périssable. Choisir le titre de maître, Jésus donne lui-même ce titre à l’argent, quand il invite à ne pas servir deux maîtres, Dieu et l’argent ou celui de serviteur. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous (Mt 20, 26; Mc 10,43). Difficile d’être plus clair que ça. Priorité donc à nous occuper des autres sans nous préoccuper d’avoir plus ? Qui est vorace n’est jamais rassasié.
Nous venons d’entendre une histoire de corruption, de gaspillage que notre société connait bien. Dans un environnement contaminé par la pollution de la corruption, [par une] coalition avec les corrompus (pape François), comme chrétien, comme Église, nous devons être astucieux, avoir du flair pour éviter de ne pas avoir «le bras long» si nous voulons conserver le trésor de l’esprit de l’évangile et ne pas tomber dans l’escroquerie. Le gérant ne veut pas perdre son titre de maître, sa réputation d’homme important. Il refuse de se voir gagner son pain comme tout le monde, lui qui a le pain facile, le gain facile. Il n’a aucun souci des autres.
Jésus n’a pas inventé cette parabole. Il n’a fait que porter au grand jour ce qu’il voit se vivre à son époque. Il nous aurait raconté aujourd’hui la parabole de «Monsieur 3%». Une réalité profonde émerge de cette parabole : en celui qui est incapable de se faire valoir, là se trouve Jésus.
Dans la Joie de l’évangile (no 54), le pape François décrit très bien ce qui animait le gérant malhonnête. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables d’éprouver de la compassion devant le cri de douleurs des autres, nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas. Le gérant agit plus par réflexes auto protectionnistes que par réflexion. Le vieil homme a beaucoup d’emprise sur l’homme nouveau.
La culture du bien-être, poursuit le pape, nous anesthésie et nous perdons notre calme si le marché offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté (no 52). Il faut dire non à une économie de l’exclusion (no 52), non à la nouvelle idolâtrie de l’argent (no 55), non à l’argent qui gouverne au lieu de servir (no 56), non à la disparité sociale qui engendre la violence (no 59).
Ne soyons pas naïfs; comme hier, notre société préfère la route antique du comportement pervers du gérant quand l’argent est en jeu, quand les honneurs sont en jeu. Jésus a loué son habileté à se détourner d’une autre route, celle de ne pas cacher ses failles, ses maladresses au risque de perdre sa réputation, au risque d'être digne d’entrer au festin des noces réservé à ceux qui ont partagé le toit, les vêtements plutôt qu’aux experts en gaspillage.
Ne voyons pas que les dérives fallacieuses. Récemment, une région s’est donné la main pour construire une maison familiale à une jeune famille de deux enfants dont la mère atteinte d’un cancer a dû renoncer à son travail. Faute de moyens financiers, le couple ne pouvait plus entreprendre la construction de leur maison. Admirons ceux qui contestent, et ils sont nombreux, qui prennent la parole et posent des gestes concrets pour soutenir un voisin, un ami dans le besoin.
L’Évangile renverse le mythe d’une culture qui veut que s’enrichir soit le chemin pour porter attention aux moins favorisés. C’est une dérive et pure illusion de songer un seul instant qu’on s’enrichit pour mieux être généreux. Rien dans l’esprit du gérant ne laisse entendre qu’il agit pour mieux venir aider les autres.
Laissons résonner en nous, dans nos profondeurs de priants, une autre question : quelle maison commune cherchons-nous vraiment à bâtir? Paul décrit cette maison quand il écrit : j’ai appris à être rassasié comme à avoir faim, à vivre dans l’abondance comme dans le besoin. Je peux tout en celui qui me rend fort (Ph 4, 12). Recherchons pour nous-mêmes cette manière de vivre; qu'elle puisse ouvrir les cœurs à sa beauté. AMEN.