2018-B-Lc 15, 1-3,11-32-samedi 2e semaine carême : histoire d'une hospitalité mutuelle
Année B : Samedi de la 2e semaine du carême (litbc02s.18)
Luc 15, 1-3-11-32 : histoire d’une hospitalité mutuelle
Quelle est cette vérité profonde à extraire de cette très belle histoire racontée par Jésus? Je risque une réponse: Jésus parle d'une double hospitalité, celle du Père qui, dans un mouvement généreux, s’élance vers son fils, et celle du fils qui, rentré en lui-même, ce qui signifie après longue réflexion, a pris la décision de se lever, de s’en remettre, comme un étranger, à l’hospitalité de son Père. Les deux ignorent comment ils s’accueilleront mutuellement.
L’hospitalité donnée est ce geste de justice d’accueillir le sans-abri (dont on parle beaucoup de nos jours), fût-il son propre fils. L’hospitalité reçue est le fondement de toute vie ensemble. Autant le père que le fils ont besoin de se retrouver, de se tenir mutuellement dans les bras après une longue séparation. C’est un besoin très humain.
Ce matin, mon regard se porte sur l’hospitalité reçue. Le Père découvre la joie d’être l’hôte de son fils, d’être accueilli par son fils. Le fils ainé éprouve la joie d’être l’hôte de son père, de cesser d’être un étranger cherchant une terre d’accueil. Son frère, demeuré à la maison, n’a pas éprouvé cette hospitalité mutuelle. Le père n’a pas connu cette même hospitalité chaleureuse auprès de son fils cadet.
Nous l’exprimons et le percevons rarement sous cet angle, le Père fait ici l’humble expérience de demander l’hospitalité à son fils. Son geste d’accourir vers lui est une demande que le livre du lévitique exprime dans des mots bouleversants : tu aimeras l’étranger comme toi-même (Lv 19, 34). Le Père demande à son fils de l’aimer comme il est, de l’accueillir, de ne pas le rejeter. Émouvant ce geste ! Quelle humilité ! Quel abaissement ! Quel agenouillement !
Par le geste de descendre et d’aller vers son fils, ce père refuse d’être arrogant. Il refuse d’être hautain. Le père expérimente qu’il est démuni devant l’attitude de son fils, mais qu’il a aussi besoin de sa présence pour vivre heureux. Il quitte sa résidence pour s’avancer sur une terre étrangère. Dans ce geste d’accourir vers son fils étranger, même si celui-ci vivait sur une terre lointaine et d’une manière si différente de la sienne, le Père fait l’expérience de dépendre de l’accueil de son fils. D’avoir besoin de lui. Cette dépendance sera toujours risquée. Il ignore comment il sera accueilli: avec hésitation ou avec les bras ouverts ?
Allons plus loin dans notre contemplation. La démarche du Père de sortir vers son fils n’est pas une fugue de lui-même. De ce qu’il est. Il habitait tellement avec lui-même (saint Bernard) qu’il expérimentait cette pesante douleur de vivre isolé de son fils, en fugue de la maison paternelle. La vie sans son fils était infernale. Il court s’exposer à son fils, se mettre à genoux pour lui dévoiler son cœur de père. Ce geste exclut toute réprobation. C’est un geste-confession de l’amour entre un père et un fils, même s'ils sont un peu étrangers l’un à l’autre.
Ce geste risqué n’est-il pas cette vérité profonde que Jésus veut nous faire comprendre ? Toute vie se déroule sur ce besoin de dépendre l’un de l’autre. Dieu a besoin de nous, de connaître la joie d’une sorte d’interdépendance, peu importe nos conneries. Posons-nous ces questions. Sommes-nous aussi hospitaliers, accueillants que le père, capables de ne manifester aucune attitude hautaine dans notre empressement à offrir notre hospitalité à l’étranger qui peut vivre très près de nous ? Quelle est la maturité de notre interdépendance ?
À votre contemplation: le Père, ce Père d’en haut, ne regarde pas la manière de nous tenir devant lui; qu’elle soit minable comme l'attitude du publicain ou plus que parfaite comme le comportement du pharisien. Le Père ne tient pas compte de notre décorum ou de ma manière de prier en sa présence; c’est le signe qu’il est Père. La vie nous apprend que quelqu’un est grand lorsqu’il a moins besoin de décorum. A contrario, le décorum habite la tête de ceux qui se donnent de l’importance. Faut-il en conclure que nos attitudes de priant sont les reflets de notre inaptitude à nous présenter devant Dieu sans maquillage ? Cette parabole a au moins l’avantage de nous donner une leçon d’humilité, car celui qui descend vers nous, vient sans faste, en toute humilité et nous demande humblement de l’accueillir. AMEN.