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Année C: samedi de la 22e semaine ordinaire (litco22s.16) 
Luc 6, 1-5 :  1 Co 4, 9-15 : l'insupportable mentalité légaliste 

La religion et le religieux sont des éléments importants, voire essentiels, dans la construction d'un autre monde possible, affirmait un intervenant engagé dans de nombreuses causes sociales lors du forum social mondial de Montréal. Pour Dominique Boisvert, cofondateur du réseau québécois de la simplicité volontaire, la religion n'est pas un vestige d'une époque révolue, tolérée à condition qu'elle n'occupe aucune place et ne joue aucun rôle dans l'espace public.

Cet autre monde possible qui n'est pas un vestige du passé, Jésus en pose ce matin une base solide. Pour lui, cet autre monde commence en démantelant une religion qui impose commandements et contraintes. Jésus se pose en libérateur d'une insupportable mentalité légaliste. D'un dire sans le faire. On n'avance pas à coup de règles dans la vie, mais par l'extase, le ravissement qui conduit hors de soi.

Dans son livre De la Kippa à la croix, l'auteur Élie Setbon, juif converti au catholicisme, écrit : dans la religion juive pour que Dieu m'aime, il faut pratiquer la loi. C'est donnant-donnant. L'autre monde, celui de Jésus, n'est pas de cet ordre. C'est la relation personnelle avec Dieu et non la pratique de la loi, ne pas arracher des épis un jour de sabbat, qui est prioritaire. C'est l'humain qui est priorisé et non son comportement, si inhumain soit-il.

Ne se froissant pas en voyant ses disciples poser des gestes inappropriés un jour de sabbat, Jésus sait que son silence va le poursuivre toute sa vie. Il pressent que ce silence sera perçu comme provocateur et qu'il le jettera dans la gueule du loup. Mais Jésus n'est pas suicidaire. Son horizon n'est pas la mort, mais le bien-être des personnes. 

Jésus dévisage la fausse pratique de la religion pour demeurer fidèle aux plus hautes valeurs de la vie. Pour l'exprimer en terme un peu paradoxal, Jésus veut rejoindre ceux qui détruisent la vie, mais qui de fait, prônent des attitudes de mort, de mensonge. Jésus souffre parce qu'il aime trop la vie. Il souhaite pour nous une autre manière de vivre notre relation à Dieu que celle baser sur une observance tout extérieure de la loi. Il veut que nous goûtions à sa manière à lui d'être en relation avec son Père.

Saint Paul vient d'exprimer le même message aux corinthiens. Il leur présente un autre monde qui n'est pas celui de l'autosatisfaction, de l'auto complaisance, de la division entre Apollos et lui. Pour montrer ce monde, Paul s'expose à nu devant eux. Les gens nous insultent, nous bénissons. Ils nous persécutent, nous le supportons. La manière de vivre dans cet autre monde passe par une mort aux ambitions humaines, au désir de contrôle des autres. L'initiateur de cet autre monde  en a pris le premier le chemin. Il a abandonné tous ses titres de gloire, sa volonté propre (Cf. Jn 6, 38). Il n'avait rien où reposer sa tête (Lc 9, 58).

L'autre monde possible repose sur une règle commune de grande valeur : ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fasse. Ne pas imposer aux autres des obligations qu'on ne peut accomplir soi-même. Cette valeur à ne pas négliger s'ajoute à celle de  l'altruisme, du dévouement ou du souci de ne pas condamner les arracheurs d'épis. Il serait bien téméraire de vouloir se priver d'un tel trésor hérité de l'histoire sous prétexte qu'elle a un lien avec la religion.

Que Dieu ce matin, comme l'exprime l'oraison d'ouverture, accorde un esprit de sagesse aux hommes et à tous ceux et celles chargés de conduire l'Église. Un esprit ouvrant sur la beauté d'un vivre ensemble, celle où l'extase est priorisée, plutôt qu'un esprit de condamnation. AMEN.