2015-B-Lc 6, 43-49 -samedi 23e semaine ordinaire- comment bâtir sa vie sur le roc ?
Année B: Samedi 23e semaine ordinaire
Luc 6, 43-49 ; 1 Tim, 1, 15-17 : comment bâtir sur le roc; comme je voudrais avoir la réponse !
Bâtir sa vie sur le roc, porter un bon fruit, écouter et pratiquer, pas si simple que ça. Pour y arriver, le chemin sera toujours indéfini et multiple. Que nous aimerions qu’il n’en soit pas ainsi!
En recevant en 1972 en audience privée le frère Roger de Taizé, le pape Paul VI lui demandait : si vous avez la clé pour comprendre les jeunes, donnez-la moi. Réponse : je voudrais l’avoir, je ne l’ai pas et je ne l’aurai jamais.
Nous voulons savoir comment nous éviter de porter un mauvais fruit, de ne pas bâtir sur le sable nos vies ou comment écouter sans mettre en pratique. Que ce serait simple si la réponse surgissait spontanément. Il n’y a pas de clé unique, de réponse unique, de méthode spécifique pour laisser Jésus entrer dans les cœurs. Le chemin sera toujours indéfini et infini. La trajectoire sera toujours perçue dans l’opacité du quotidien.
Aucun cours, aucun manuel de théologie, aucun argument logique utilisé comme moyen de persuasion, aucune parole même la plus authentique et sincère. Seul un cœur qui écoute, qui prie, qui sait se retirer à l’écart, qui s’abandonne au silence pour écouter sa voix, seule une relation personnelle avec Dieu ouvre sur une vie fondée sur le roc et porte du fruit. Nos réponses toutes faites repoussent plus qu’elles n’aident à enraciner l’Évangile dans les cœurs.
Jésus, ce matin, c’est très rare dans l’évangile, fait la promotion de son chemin. Il se permet une page publicitaire. Il nous dit : Donnez-vous un cœur qui écoute, qui prie, qui se retire à l’écart, qui goûte au silence. Cela ouvre sur des indications indéfinies. Construit sa vie sur du roc jusqu’à porter fruits, toute personne qui vient à moi, qui écoute mes paroles et qui les met en pratique. Il ressemble à un homme qui bâtit une maison, […] il a creusé très profond, et il a posé les fondations sur le roc (Lc 6, 47-48). C’est d’un clair obscur indéniable. Traduit dans les mots du frère Roger : je voudrai l’avoir [la clé] mais je ne l’ai pas et je ne l’aurai jamais.
Que de fois nous attendons de l’Eglise des réponses toutes faites. Rassurantes. Je voudrai l’avoir la clé. Le pape François nous en offre une clé parmi tant d’autres quand dans son voyage en Asie écoutant des jeunes lui parler de ce qu’ils vivent, a pris quelques notes puis délaissant son discours préparé, il s’est mis à les questionner, à entrer en dialogue avec eux parce que, a-t-il dit aux évêques à qui il a remis son texte, un discours, c’est ennuyeux. C’est la pédagogie de Jésus au puits de Jacob. Celle déployée sur la route d’Emmaüs. Celle de l’accompagnement qui consiste à marcher ensemble, à partager ensemble ce que nous sommes. Dommage que l’accompagnement soit perçu nécessaire en état de crise alors qu’il devrait être la denrée première de notre quotidien.
Ce matin, Jésus propose pour enraciner dans les cœurs le roc de l’Évangile, de rejoindre les personnes au creux de ce qui fait le cœur de leur vie, de marcher avec eux, avec tous les blessés de la vie. La formule du cardinal Suhard est visuelle et parlante : il ne s’agit pas d’obliger les gens à entrer dans l’Église telle qu’elle est mais de faire une Église capable d’accueillir le monde tel qu’il est. Le pape François disait à la veille de la Pentecôte : nous sommes souvent des contrôleurs de foi, plutôt que des facilitateurs.
Nous bâtissons nos vies sur le roc quand nous expérimentons que le Christ nous a vraiment sauvés de nous-mêmes. Que nous sommes pécheurs pardonnés. Quand nous expérimentons que Jésus nous apporte quelque chose, nous fait progresser vers un humanisme plus authentique et nous rend heureux.
Quelle est belle et profonde la remarque du Frère Roger. Elle s’applique à chacune d’entre vous, ici, qui cher-chez à appuyer vos vies sur le roc de l’Évangile. Frère François l’aurait allégrement signé : je voudrais bien vous donner une réponse plus précise, mais je ne l’ai pas et je ne l’aurai jamais. AMEN.